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Affaire du chlordécone : à Paris et en Martinique, la colère continue de gronder contre le non-lieu

ENVIRONNEMENT - « C’est un véritable crachat sur la population », s’indigne Philippe Pierre-Charles. Cette colère gronde depuis le début de l’année en Guadeloupe comme en Martinique. Plus précisément, elle gronde depuis le 5 janvier, date à laquelle la Cour d’appel de Paris rendait son verdict : les deux juges d’instruction prononcent un non-lieu dans le scandale du chlordécone.

Moins d’un an plus tard, la mobilisation s’est organisée en Martinique, avec comme point d’orgue, une manifestation prévue ce samedi 28 octobre à Fort-de-France et à Paris dans l’Hexagone, pour protester contre cette décision de justice qui reste incompréhensible pour les Antillais.

C’est quoi le scandale du chlordécone ?

Le chlordécone, c’est un pesticide qui a été utilisé entre 1972 et 1993 dans les bananeraies en Guadeloupe et en Martinique. L’objectif été de lutter contre le charançon du bananier, un insecte qui ravageait les cultures. Mais le problème est que le chlordécone est une substance toxique pour les humains et qu’elle s’est répandue bien au-delà des champs de banane à cause d’un autre pesticide : le glyphosate.

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« Il a comme impact de détruire toute la végétation qu’il y a entre les rangées de bananeraies », explique au HuffPost Pierre Sabatier, géologue et enseignant-chercheur au Laboratoire Edytem. « Donc ça laisse le sol chargé en chlordécone à nu et lorsqu’il va pleuvoir ce chlordécone va être transféré par voie aquatique dans les cours d’eau et les écosystèmes côtiers » .

Cette pollution des sols et des cours d’eau s’est retrouvée dans les légumes racines, par exemple les patates douces ou les ignames ; les produits issus de la pêche comme les poissons et les crustacés ; mais aussi les bovins et les poules. Au final, c’est toute la chaîne alimentaire jusqu’à la population qui est touchée, puisque plus de 90 % des Antillais sont contaminés au chlordécone, d’après une étude de l’Anses et de Santé publique France réalisée en 2013-2014.

Afin de limiter cette contamination, des zones entières ont été interdites à culture et à la pêche au début des années 2000. Cependant, le chlordécone peut persister dans le sol jusqu’à 500 ans.

Teneur en chlordécone des sols de Guadeloupe
DAAF / Préfet de la Guadeloupe Teneur en chlordécone des sols de Guadeloupe

Record de cancers de la prostate

En plus de la catastrophe environnementale, c’est sur le plan sanitaire que ce scandale est le plus grave. En effet, le chlordécone est un perturbateur endocrinien et après le sandale aux États-Unis, l’OMS le classe comme cancérogène possible pour l’Homme en 1979. Cela n’a pourtant pas empêché le ministère de l’Agriculture d’en autoriser de nouveau l’usage après l’épuisement des stocks américains en 1981. Les raisons invoquées, nous ne les connaissons toujours pas aujourd’hui puisque les archives ont disparu.

Aujourd’hui le cancer de la prostate est la première cause de mortalité chez les hommes en Guadeloupe et en Martinique. Pire encore, en 2019 une étude publiée dans la revue scientifique Journal of Clinical Oncology, attribuait à la Martinique le triste record du monde de cancers de la prostate. C’est finalement en 2021 que l’Anses conclut dans une étude à « une relation causale probable entre chlordécone et risque de cancer de la prostate » .

Pourquoi ce non-lieu a-t-il indigné ?

Face à cet empoisonnement, plusieurs associations se sont portées partie civile pour déposer plainte. Début janvier, la justice prononçait un non-lieu dans cette affaire, provoquant un sentiment d’impunité face à ce scandale sanitaire, environnemental et économique. « C’est vécu comme un véritable crachat sur la population elle-même », déclare au HuffPost Philippe Pierre-Charles, porte-parole de Lyannaj pou dépolyé Matinik, une des associations organisatrice de la mobilisation actuelle en Martinique.

L’un des arguments avancés par la justice est le suivant : « Le faisceau d’arguments scientifiques à la date des faits ne permettait pas de dire que le lien de causalité certain exigé par le droit » entre le chlordécone et l’impact sur la santé « était établi ».

Luc Multinger, épidémiologiste et directeur de recherche à l’Inserm, précise au HuffPost : « Certes à l’époque, le lien de causalité n’était pas établi mais on n’a pas tenu compte de l’alarme de l’OMS. Pour moi, la responsabilité est celle de l’État, puisque ce sont ses services qui en 1981 ont autorisé le chlordécone, alors qu’il n’aurait pas dû l’être. »

Un scandale venu des États-Unis

Pour Philippe Pierre-Charles, l’argument de la justice ne tient pas non plus : « C’est un mensonge éhonté. Aux États-Unis, en 1977, on a interdit la production, la vente, la commercialisation et l’utilisation de ce produit, donc on savait parfaitement ».

Philippe Pierre-Charles fait ici référence au « Kepone », nom sous lequel était commercialisé le chlordécone aux États-Unis. C’est dans la ville de Hopewell, en Virginie, où était produit le pesticide, qu’un grave scandale sanitaire et environnemental a été révélé dans les années 1970. Les employés de l’usine ont été empoisonnés au chlordécone et ont développé de nombreux symptômes, dont des troubles neurologiques, regroupés sous le nom de « Syndrome de Kepone ». En 1975, l’entreprise ferme ses portes et en 1977, le chlordécone est interdit aux États-Unis.

Aux Antilles, face à cette contestation de la justice, les avocats des victimes d’empoisonnement au chlordécone ont annoncé leur intention de faire appel de la décision. En janvier, Harry Durimel, maire écologiste de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) et avocat historique des victimes du pesticide déclarait sur Franceinfo : « Si la cour d’appel ne nous donne pas raison, nous ferons un pourvoi en cassation. Nous sommes déterminés à aller jusqu’à la Cour de cassation et à la Cour européenne de justice pour que justice nous soit rendue ».

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