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Sécheresse aux Etats-Unis : qui gagne, qui perd ?



En faisant grimper le prix des céréales et des oléagineux, la sécheresse aux Etats-Unis fait chez nous quelques heureux. Mais pour les producteurs de viande, la situation vire au cauchemar et la sortie de crise n'est pas pour tout de suite.


Dans les années 1930, la sécheresse avait conduit à la ruine et à l'exode vers la Californie des centaines de milliers de familles rurales du midwest américain, une histoire douloureuse qui a fourni au romancier John Steinbeck la trame de fond des célèbres Raisins de la colère. Celle de 2012 n'aura sans doute pas les mêmes effets, mais ses conséquences économiques sont sensibles à l'échelle mondiale. En effet, les Etats-Unis ne sont pas seulement le pays le plus touché cette année par le manque de précipitations, mais aussi celui qui pèse le plus lourd sur le marché mondial des céréales. "Pour ne parler que du maïs, les Etats-Unis représentent environ un tiers de la production mondiale, mais surtout 50% du total des exportations. Autrement dit, ce sont eux qui nourrissent le monde !" rappelle Benjamin Louvet, directeur général délégué de Prim'Finance, société financière spécialisée dans les matières premières. La situation est similaire pour le soja, où les Etats-Unis et le Brésil sont les deux principaux exportateurs (respectivement 40,5 et 28,6 millions de tonnes en 2009, selon les chiffres de l'Organisation des Nations-Unis pour l'alimentation et l'agriculture).

Production de maïs : de l'espoir de rendement record à la panne sèche


La sécheresse de cette année a pris à contre-pied le marché, alors qu'en début d'année, on tablait sur une récolte record. Comme les prix avaient déjà progressé, les surfaces plantées en maïs étaient en augmentation de 4,9% par rapport à l'année dernière, à 96,4 millions d'acres (environ 39 millions d'hectares). "Et surtout, le Département américain de l'agriculture estimait alors que le rendement atteindrait en 2012 un nouveau record, à 166 boisseaux par acre, contre un plus haut historique touché il y a trois ans à 162 boisseaux par acre", souligne Benjamin Louvet. Ce calcul, purement fondé sur l'historique de rendement observé, reste nécessairement très théorique, ne pouvant évidemment prendre en compte les aléas d'une météo qui s'est finalement révélée très chaude et très sèche sur une longue période. De quoi faire chuter les estimations de rendement à 146 boisseaux par acre en juillet, puis à 123,4 en août, soit un recul de plus de 15% par rapport à 2011 en lieu et place de la hausse annoncée. Cela signifie que la récolte américaine de maïs devrait se situer pour 2012 aux alentours de 270 millions de tonnes, soit 100 millions de moins que ce qu'on pouvait attendre en début d'année, ce qui a fait exploser les prix. Sur le marché de Chicago, le prix du boisseau de maïs est passé entre fin mai et aujourd'hui de 560 à plus de 800 dollars (+43%), tandis que le cours du soja a progressé de 30%.

Céréaliers qui rient, éleveurs qui pleurent


Certains s'en frottent les mains en France, à commencer par les céréaliers de Beauce et de Navarre, dont les récoltes ont été plutôt abondante. La première céréale plantée dans l'hexagone est le blé, loin devant le maïs et l'orge. S'il a été relativement peu touché par la sécheresse américaine, son cours s'est également apprécié : cela s'explique par de mauvaises récoltes en Russie ou en Ukraine et par le fait qu'il peut servir de produit de substitution au maïs dans l'alimentation animale. Les producteurs de blé français peuvent espérer cette année une récolte d'environ 36 millions de tonnes, en hausse de 8% et leurs exportations pourraient s'élever à 4,8 milliards d'euros. Voilà au moins un poste où le déficit commercial ne menace pas la France !

A l'inverse, l'envolée du prix des céréales est dramatique pour les éleveurs et les producteurs de lait. "La situation est particulièrement catastrophique pour les éleveurs de volaille ou de porcs pour lesquels les coûts liés à l'alimentation en céréales et oléagineux représente entre 60 à 70% des dépenses totales et qui ont vu les prix grimper de 35 à 40% en quelques semaines", estime Benjamin Louvet. Cette hausse devra être répercutée rapidement dans la distribution, notamment dans les filières courtes comme le poulet, faute de quoi les producteurs devront tout simplement arrêter de produire.

Quels impacts pour le consommateur ?


Le consommateur verra certainement augmenter nettement le prix du lait et des produits laitiers, car la situation des producteurs était déjà tendue avant la crise. "Les produits de première transformation comme farine ou, dans une moindre mesure, les pâtes, subiront aussi un impact. En revanche, pour un produit de seconde transformation comme le pain, l'impact sera limité, le blé ne représentant que 5% des coûts environ", estime Benjamin Louvet.

Peut-on espérer une sortie de crise rapide ? Pas si sûr, car les espoirs qui ressurgissaient avec l'ouverture de la saison des récoltes dans l'hémisphère sud pourraient être déçus. La mise en place récente de taxes à l'export sur le blé brésilien a ainsi conduit les producteurs à semer d'autres cultures. Quant à l'Australie, elle souffre à son tour, depuis plusieurs mois, d'un manque de précipitations sur sa zone de production occidentale de blé. Il faut encore ajouter une possible résurgence du phénomène climatique connu sous le nom de "El Nino", qui pourrait encore perturber les choses. Un malheur n'arrive jamais seul et une nouvelle hausse des prix n'est donc pas à exclure.

Pour calmer les prix du maïs, il y aurait bien une solution et c'est encore une fois l'Oncle Sam qui détient les clés. En effet, Benjamin Louvet révèle une chose pour le moins surprenante sur la destination du maïs made in USA : "le premier poste de consommation aux Etats-Unis est la production d'éthanol, les pétroliers étant contraints d'en incorporer au moins 10% dans l'essence commercialisée." Les soulager temporairement de cette obligation aurait un impact majeur sur les prix. Oui, mais le premier Etat américain producteur de maïs est l'Iowa, Etat clé pour l'élection présidentielle de novembre ! Il est donc bien difficile aujourd'hui pour Barack Obama de se mettre à dos les "farmers" en faisant pression sur leurs revenus. Dans un peu plus de deux mois, ce sera plus aisé.

Emmanuel Schafroth

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