Privatisation des écoles de commerce: "Trouver des financements est devenu une question de survie", selon Alice Guilhon
INTERVIEW - La présidente de la Conférence des directeurs des écoles françaises de management (CDEFM) et directrice générale de Skema, Alice Guilhon réagit au rachat du Pôle Léonard de Vinci et à l’ouverture du capital de l’ICN BS. D’après elle, « toutes les écoles vont bouger d’ici cinq à dix ans sur cette question ».
Challenges – Le marché des grandes écoles est en ébullition. L’ICN BS est sur le point d’ouvrir son capital. Le Pôle Léonard de Vinci, lui, est racheté par AD Education. Quelle est votre réaction ?
Alice Guilhon – Cela m’aurait choquée il y a vingt ans ans. Dans le contexte actuel, ce n’est plus du tout aberrant. On savait que ça allait arriver. La concurrence en France et à l’étranger est de plus en plus féroce. Les subventions publiques de nos grandes écoles, qui sont majoritairement sous statut consulaire et associatif, se sont par ailleurs raréfiées ces vingt dernières années. Pour faire face, elles se sont lancées dans une course aux investissements en recrutant toujours plus de professeurs/chercheurs, en ouvrant des campus, en payant des équipements technologiques coûteux. Mais il faut financer cette croissance. Etant donné que l’Etat ne peut plus nous aider, l’équation financière n’est pas tenable. Il est normal que les business schools se tournent aujourd’hui vers d’autres partenaires.
Alice Guilhon, présidente de la Conférence des directeurs des écoles françaises de management et directrice générale de Skema. Crédit: Bruno Levy/Challenges
Jusque-là, vous étiez pourtant très opposée au privé lucratif, n’hésitant pas à qualifier ces acteurs d’« officines ». Pourquoi avoir changé d’avis ?
Je n’ai pas changé d’avis. Les officines qui rentrent sur ce secteur pour faire de l’argent et ressortir ? J’étais contre, je suis contre et je resterai contre. Certains jouent avec la manne de l’apprentissage, vendent des diplômes qui n’existent pas, flouent les familles, c’est un fléau.
Maintenant, les cartes sont rebattues. Le cloisonnement entre enseignement supérieur privé lucratif et non lucratif est beaucoup plus flou. Des établissements lucratifs obtiennent des visas, des grades de licence, des accréditations internationales et délivrent donc des formations de qualité. De leur côté, les grandes écoles se tournent de plus en plus vers l’apprentissage. Le gouvernement nous a[...]
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