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Ces vins qui ne connaissent pas la crise



Depuis la fin des années 1990, le vin français est en crise. A cela se sont ajoutés les effets de la mondialisation, les vins dits du nouveau monde (Chili, Afrique du Sud, Australie...), développant leurs ventes via des politiques de vente très agressives.


Les vins français souffrent, mais pas tous ! Grâce à l'image festive incomparable du produit et à la pugnacité de ses producteurs à défendre leur appellation, le champagne fait exception dans le paysage et semble échapper de tout temps à la notion même de crise. En 2011, 323 millions de bouteilles ont été expédiées, rapportant à la profession quelque 4,4 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

Ceux qui souffrent... et les autres

A Bordeaux, c'est une autre histoire et il y a une véritable scission entre la production de vin globale et celle des vins haut de gamme, qui concerne très peu d'étiquettes, comme les cinq premiers crus classés du Médoc (les châteaux Haut-Brion, Lafite-Rothschild, Latour, Mouton-Rothschild et Margaux) auxquels s'ajoutent Ausone, Cheval-Blanc (Saint-Emilion) et Pétrus (Pomerol). "Les prix pratiqués par ces producteurs ne s'apparentent plus à ceux de produits de consommation courante, malgré des productions assez massives, de l'ordre de 100 à 150.000 bouteilles par an pour ces vastes domaines. Les grands crus sont aujourd'hui une véritable industrie, qui s'apparente de plus en plus à celle du luxe", analyse Luc Dabadie, expert en vins fins et spiritueux de la maison de vente aux enchères Artcurial. On ne cultive plus seulement une vigne, mais aussi une marque. Bernard Arnault et François Pinault, les meilleurs ennemis du secteur luxe, ne s'y sont d'ailleurs pas trompés. Le premier a acheté le célèbre Chateau Latour, un des cinq domaines classé "premier cru" dans le classement 1855 des grands médocs. Comptez 230 à 240 euros pour une bouteille de millésime 2002 ! Quant au patron de LVMH, il s'est offert 55% des parts du fameux Château d'Yquem, producteur du plus fameux des sauternes. Avec un peu de chance, vous pourrez acquérir une bouteille de 2001 pour moins de 300 euros.

Et le vin le plus cher du monde est...


En Bourgogne, la situation est un peu différente. Les vins fins y étaient historiquement plus chers, du fait de la taille beaucoup plus réduite des exploitations. "Pour avoir le droit d'acheter directement les domaines qui comptent, comme Coche-Dury ou Dauvissat, il faut passer par le système des allocations, c'est-à-dire faire partie d'une liste qui vous donne le droit d'acheter chaque année, rappelle Luc Dabadie. Si vous n'achetez pas chaque année, vous êtes sorti de la liste au profit du suivant." Dans cette autre grande zone de production de vin française, s'il ne fallait citer qu'un seul vin, ce serait évidemment la Romanée-Conti, cuvée phare. Question prestige et prix, il casse la baraque ! Il vous sera difficile, voire impossible, d'en trouver à moins de 2.500 euros la bouteille, ce qui en fait le vin le plus cher du monde. A Bordeaux, le seul capable de rivaliser avec de tels tarifs est Pétrus, dont une caisse de six bouteilles, millésime 2001, a été adjugée 17.200 euros par Artcurial en octobre 2010. A 450 euros le verre, on vous conseille de le tenir solidement durant la dégustation ! Les bourgognes blancs sont un peu en deçà, mais un Corton Charlemagne 2002 du domaine Coche Dury peut allègrement dépasser les 1.000 euros la bouteille. La récompense de la rareté, la production se limitant à trois ou quatre fûts de 228 litres par an.

Ce qui fait le prix du vin, c'est évidemment ses qualités gustatives mais pas seulement. Les acquéreurs achètent aussi une réputation. "Les maisons bordelaises sont les championnes à ce jeu, grâce à un historique unique que bien d'autres régions, quelle que soit la qualité des vins qu'elles produisent, sont encore loin d'avoir", estime Luc Dabadie. Le marché est aussi touché par des effets de mode, venant des nouveaux consommateurs n'ayant encore qu'une connaissance imparfaite du marché français : depuis 2009, les prix de Lafite-Rothschild ont connu une sérieuse inflation en comparaison des autres premiers crus médocains. L'explication réside dans une bonne implantation sur le marché chinois qui a permis au vin de se retrouver sur quelques tables prestigieuses et de devenir un symbole dé réussite. Une caisse de six bouteilles en millésime 1982 s'est ainsi vendue à 18.720 euros début 2011. "Cet épiphénomène tend à se résorber, même si la bouteille de Lafite 1982 se négocie encore aux environ de 1.900 euros", tempère Luc Dabadie.

Les ventes de charité sont aussi l'occasion de prix records, à l'instar de celle organisée par fin 2011 Artcurial au profit de l'Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM). Une caisse de six bouteilles de champagne Moët & Chandon datant de 1911 a ainsi trouvé preneur à 45.000 euros.

Il y a aussi les bouteilles véritablement exceptionnelles, celle qui combinent une grande rareté et une histoire particulière. A l'été 2010, une équipe de plongeurs a fait en mer Baltique, dans l'archipel des îles Äland, une singulière découverte : une mystérieuse épave contenant 145 bouteilles de champagne Veuve Clicquot Ponsardin de... 1839 ! Autrement dit, datant du vivant de la fameuse "grande dame de la Champagne", Barbe Nicole Clicquot, née Ponsardin, première femme à avoir dirigé une maison de champagne et inventrice du procédé de la table de remuage permettant d'obtenir des vins plus limpides. Parfaitement conservées, ces bouteilles ont atteint des prix faramineux : 30.000 euros et 24.000 euros pour deux bouteilles vendues en juin 2011 par Acker Meral & Condit, la bouteille mise aux enchères un an plus tard par Artcurial atteignant "seulement" 18.800 euros.

Enfin, quand vous ajoutez à cela un format rare et un millésime, les amateurs se laissent gagner par la fièvre. Une bouteille de six litres, dite "impériale" de Cheval Blanc 1947, année rare en quantité mais de très belle qualité, a ainsi atteint la somme de 304.375 dollars lors d'une vente aux enchères de Christie's en 2010.

Le marché du vin se laisse gagner par les excès de l'économie de marché. Mais dans ce milieu de terroirs, qui reste souvent familial, certains producteurs résiste à l'hystérie. "Des domaines comme Château Le Tertre Roteboeuf à Saint-Emilion ou Château Rollan de By en Médoc font partie de ceux qui s'efforce de pratiquer encore des prix raisonnés", explique Luc Dabadie. Le vin n'est pas qu'une histoire d'argent.

Emmanuel Schafroth