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Comme la rue, la plage n'échappe pas au harcèlement

Un sondage publié fin juin montrait que plus d’une femme sur quatre a déjà été victime de “harcèlement de plage”. Lorsqu’elles sont âgées de 18 à 34 ans, ce phénomène concerne même plus d’une femme sur trois (39%).   (Photo: smartboy10 via Getty Images)
Un sondage publié fin juin montrait que plus d’une femme sur quatre a déjà été victime de “harcèlement de plage”. Lorsqu’elles sont âgées de 18 à 34 ans, ce phénomène concerne même plus d’une femme sur trois (39%). (Photo: smartboy10 via Getty Images)

HARCÈLEMENT - Un bon livre et une glace par-ci, des remarques et regards déplacés par-là. Si la plage est le lieu de détente par excellence pendant la période estivale, poser sa serviette sur le sable chaud est également source d’ennuis pour certaines femmes victimes de harcèlement.

Un sondage publié fin juin montrait que plus d’une femme sur quatre a déjà été victime de “harcèlement de plage”. Lorsqu’elles sont âgées de 18 à 34 ans, ce phénomène concerne même plus d’une femme sur trois (39%).

Si l’on s’éloigne un peu du harcèlement, on peut voir que les plages, “loin d’être des espaces complètement pacifiés où tout ne serait que langueur et relaxation, ont historiquement pu être des espaces de violence”. C’est ce que note auprès du HuffPost Elsa Devienne, ancienne maîtresse de conférence en histoire et civilisation américaine à l’université Paris X – Nanterre et autrice de La ruée vers le sable: Une histoire environnementale du littoral de Los Angeles au XXe siècle. “C’est par exemple sur la plage que la grande émeute raciale de Chicago commence en 1919 lorsqu’une altercation entre baigneurs blancs et noirs tourne mal. Et on l’a vue plus récemment en France également lorsqu’une rixe a éclaté sur une plage corse en 2016 en lien avec l’affaire du burkini”, poursuit-elle.

Nudité, immobilisme

En ce qui concerne le harcèlement de plage, rien de surprenant, dans les chiffres du sondage, pour Johanna Dagorn, sociologue à l’université de Bordeaux, spécialiste des violences de genre et, entre autres, du harcèlement de rue. Et ce pour plusieurs raisons.

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L’une d’entre elles étant la corrélation entre la vitesse et le harcèlement. “Dans toutes les enquêtes que j’ai pu mener, il apparaît que plus les femmes stagnent, plus elles sont susceptibles d’être victimes de harcèlement”, souligne-t-elle auprès du HuffPost.

Autrement dit: c’est quand elles attendent à l’arrêt de bus, qu’elles sont assises dans le métro qu’elles sont à un feu rouge à vélo que les femmes ont plus de risques d’être harcelées ou agressées. Et à la plage, à moins qu’ils se baignent ou jouent aux raquettes, les individus stagnent sur leur serviette.

À noter qu’au même titre que les femmes, les hommes aussi sont plutôt immobiles à la plage. Or, “partout où les hommes stagnent, les femmes ont peur. C’est toute une mise en scène de la masculinité qui se joue”, ajoute la sociologue.

L’autre raison, plus évidente, est propre à la plage: les corps sont dénudés. “Le corps des femmes est toujours disponible, est toujours source de commentaires, dans l’espace public comme sur la plage. La particularité, ici, c’est que les corps se donnent davantage à voir”, note Johanna Dagorn. “Et comme on le voit partout, certains hommes vont s’autoriser à faire des commentaires sur ces corps”, ajoute-t-elle. “Un homme, visiblement un maître-nageur de la police, faisait des rondes autour des serviettes. Il s’est arrêté juste derrière moi auprès d’une femme qui faisait du topless tranquillement en lisant son livre, pour lui faire des réflexions bien beaufs”, raconte à ce sujet Eva, contactée par Yahoo.

Un espace (presque) comme les autres

Ainsi, remarques inappropriées sur leur apparence ou visage, ou bruits inappropriés sont constatés par un peu plus de trois femmes sur dix ayant déjà vécu du harcèlement de plage. 12% d’entre elles font part d’insultes à leur égard. Mais dans la grande majorité des cas (66%), c’est par de la drague “lourde” que se manifeste le harcèlement.

En ce sens, la plage, en tant que lieu public, ne diffère pas ou peu de la rue. Elle n’a rien d’un espace ”à part, où les règles habituelles de la société ne s’appliquent plus et où l’on est plus libre dans son corps et ses gestes”, note Elsa Devienne. “En réalité les chercheurs en sciences sociales ont montré depuis longtemps qu’il existe toute une mise en scène dans cet espace un peu particulier et que, lorsque nous posons le pied sur le sable, nous observons, de manière plus ou moins consciente, un certain nombre de règles tacites”, poursuit-elle. Enlever son haut de maillot, s’habiller, regarder les gens passer sans s’attarder sur eux, tout cela se déroule selon des règles que nous avons intégrées. “Bien entendu, il peut arriver que des individus transgressent ces règles et la drague lourde, voire le harcèlement, sont des situations que les femmes qui se rendent seules à la plage, en particulier, peuvent connaître”, souligne toutefois Elsa Devienne.

Seules sur le sable, les yeux dans l’eau

Ce sont justement sur ces femmes seules que le harcèlement semble avoir le plus de conséquences. À tel point qu’à la suite d’un épisode de harcèlement, celles-ci réfléchissent à deux fois avant d’aller seules à la plage. Elles sont ainsi 33% à ne pas se sentir à l’aise de peur d’être harcelées ou importunées. En ce qui concerne les plus jeunes, les 18-24 ans, ce chiffre monte à une femme sur deux (52%). “Il a fait ça avec plusieurs personnes sur la plage, toujours des femmes, toujours lorsqu’elles étaient seules”, regrette Eva.

Elsa Devienne note à ce sujet que ce phénomène est plutôt récent: “Avec l’émancipation des femmes dans la deuxième moitié du 20e siècle, et en particulier depuis la révolution sexuelle des années 1960-1970, les femmes qui se rendent seules à la plage sont plus nombreuses et ce sont elles qui peuvent être la cible privilégiée du harcèlement ou de la drague lourde”. Elle ajoute par ailleurs que l’emplacement de la plage peut avoir un impact. “Il me semble que c’est un phénomène qui aura d’autant plus tendance à se produire que la plage est urbaine ou proche d’une agglomération: dans ce cas-là, les gens ont plus tendance à briser les règles implicites de la plage, car la frontière entre plage et rue est moins étanche. Or, on le sait, la drague et le harcèlement dans la rue sont une réalité quotidienne pour les femmes.”

Stratégies d’évitement

Tout dépend évidemment des plages en question. La docteure en sociologie Altaïr Despres travaille par exemple sur des terrains de tourisme sexuel, comme sur les plages de Zanzibar. Sur celles-ci, ceux qu’on appelle les “beach boys” “travaillent et essayent de vendre un ensemble de services aux touristes, ils abordent les femmes et leur vendent de tout, y compris des services sexuels. Elles ne peuvent pas faire un pas sans être abordées, donc du harcèlement, oui, il y en a”, souligne-t-elle, contactée par Le HuffPost.

Autre lieu, autre contexte, règles fondamentalement différentes: les plages naturistes. Ici, “tout le monde est nu, personne ne juge, quels que soient les corps… Quand tous les corps et les rapports à l’autre sont à égalité, pas de remarques, pas de commentaires, la question du corps qui se voit n’est plus une vraie question en soi”, fait remarquer Johanna Dagorn.

Reste que face au harcèlement de plage, les femmes n’ont d’autres choix que de mettre en place des stratégies d’évitement. Si certaines ont peur de retourner seules sur le sable, d’autres optent pour la plage entre copines. “Elles sont en groupe sur leur serviette, elles vont en groupe se baigner”, indique Johanna Dagorn. C’est la stratégie d’Amélia, également sollicitée par Yahoo: “Quand tu es avec plusieurs personnes, tu es moins une ‘cible’ que quand tu es seule ou à deux, par exemple”.

Il en est d’ailleurs de même dans les espaces publics en général: “Les jeunes femmes qui mettent en place des stratégies d’évitement sont curieusement celles que l’on voit le plus dans l’espace public, et qui ont le moins peur”, ajoute-t-elle. Plage et rue, même combat.

À voir également sur Le HuffPost: Face aux “nudes” et au cyberharcèlement, comment Aliya se bat pour trouver des solutions

Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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