Crowdfunding: comment le financement participatif crée de nouvelles manières de consommer
Une foule de sites web permettent aujourd'hui de faire financer des projets en tout genre de se faire financer par une communautés d'internautes. Un secteur en plein essor.
Au commencement était l'économie participative. Née dans les années 1980, cette vision d'inspiration anarchiste s'oppose tout à la fois au communisme et au capitalisme; elle mettait en avant les notions d'équité, de solidarité ou d'auto-gestion dans l'organisation économique de la société. Elle n'a pas réellement dépassé le stade du concept, mais grâce à l'intrusion d'Internet, notre manière de consommer ou d'épargner peut aujourd'hui prendre une coloration participative.
Le crowdfunding, un secteur en plein essor
Le principe du crowdfunding (littéralement : "financement par la foule") est en effet de proposer aux internautes de faire le tri entre les bons et les mauvais projets. Une foule de plateformes Internet de financement participatif permettent ainsi la mise en relation de porteurs de projets et d'internautes. Les premiers disposent d'un espace pour décrire leur projet (un livre, un film ou tout autre produit, voire un projet de création d'entreprise) et indiquer le montant minimal dont ils ont besoin. Chacun peut alors décider d'apporter sa contribution financière au projet. Si au terme du temps imparti à la levée de fonds, le montant minimal n'est pas atteint, l'argent est restitué aux internautes et le porteur de projets n'a plus qu'à chercher un autre moyen de financement. Sinon, il se voit remettre la somme collectée, diminuée d'une commission que touche le site Internet. En d'autres termes, le système fait confiance à l'intelligence collective pour juger de la crédibilité des projets. On est loin des théories anarchistes, mais cette finance participative est une réalité de plus en plus tangible. Les fonds collectés par les plateformes de financement participatif commencent à atteindre des montants significatifs : près de 2,7 milliards de dollars en 2012, dont 1,6 milliard en Amérique du nord et 945 millions en Europe.
Quand Internet se met au service du cinéma indépendant
Dans certains secteurs économiques, ce succès peut changer la donne. Désireux de réaliser "sans compromis" son deuxième long-métrage (après Garden State en 2004), Zach Braff a fait appel aux internautes via le site Kickstarter, leader américain du crowdfunding (la plateforme a permis depuis son lancement en 2009 de financer 41.000 projets pour un total de plus de 600 millions de dollars !). L'objectif de 2 millions de dollars souhaité par Zach Braff a été atteint en 3 jours et l'acteur a finalement récolté 3,1 millions de dollars grâce au soutien de plus de 46.000 sympathisants ! Dans un secteur proche du cinéma, celui du jeu vidéo. Les montants nécessaires à la réalisation d'un nouveau produit se chiffrent aussi en millions, ce qui pénalise de plus en plus les petits créateurs indépendants... à moins qu'ils ne trouvent des fans pour les suivre, comme Chris Avellone et ses associés, qui ont récolté 4,2 millions de dollars pour leur projet "Torment : tides of numenera", soit plus de quatre fois la somme espérée initialement, toujours via Kickstarter. Il est vrai que les donateurs offrent au moins 20 dollars se verront offrir une copie du jeu. Une nouvelle manière de consommer, en somme. Le système permet aussi le don désintéressé et Olga Turcan, étudiante en linguistique à l'université de Strasbourg, a eu la bonne surprise de collecter quelque 4.600 euros pour le financement de sa thèse.
Investir ou prêter... sans banquier
Car, en France, le crowdfunding se développe aussi très rapidement, avec des acteurs comme MyMajorCompany, lancé dès 2007 et qui revendique déjà 13,5 millions d'euros levés, Ulule (plus de 5 millions d'euros levés) ou KissKissBankBank (3 millions). Il s'agit généralement d'un modèle de don, l'internaute se voyant offrir le produit à partir d'un certain montant. Mais le crowdfunding peut aussi prendre la forme d'investissement dans le capital de petites entreprises, souvent en phase de démarrage, à l'image de ce que proposent les plateformes Anaxago et Finance Utile, ou de prêts à des entrepreneurs (comme dans le cas de la plateforme de microcrédit solidaire Babyloan). A tel point que l'Autorité des marchés financiers, en charge de la surveillance de la Bourse, vient de se saisir du sujet, pour éviter que ne se développe un vide réglementaire et juridique.
En plein essor, l'économie participative peut aussi permettre aux particuliers de se prêter de l'argent entre eux. C'est la mission de Prêt d'union, qui permet d'éviter l'intermédiaire, jusqu'ici obligé, qu'est la banque. Une initiative jugée suffisamment sérieuse par les acteurs traditionnels de la finance pour que plusieurs d'entre eux (Crédit mutuel Arkéa, AG2R La Mondiale, Financière de l'échiquier) aient pris une participation dans la structure. D'autres initiatives de ce type fleurissent grâce aux réseaux sociaux. Ainsi, pour attribuer des prêts à des habitants de pays en voie de développement habituellement exclus des circuits bancaires traditionnels, Lenddo se fonde sur le cercle de confiance créé par la personne avec ses relations sur Facebook, Linkedin ou Twitter. Si l'emprunteur s'avère défaillant, il joue sa réputation, car c'est la note de toutes les personnes qui lui ont donné leur confiance qui va se trouver abaissée. Ce n'est plus le banquier qui décide si vous êtes solvable, mais votre cercle d'amis ! Révolutionnaire, non ?
Emmanuel Schafroth
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