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La vidéosurveillance est-elle vraiment efficace pour lutter contre la délinquance?

Une caméra de surveillance à Montpellier.  - Pascal GUYOT / AFP
Une caméra de surveillance à Montpellier. - Pascal GUYOT / AFP

"C'est un levier qui n'est pas négligeable" pour lutter contre la délinquance. Après une nuit de violences lors de laquelle treize véhicules ont été incendiés et des policiers visés par des tirs de mortiers d'artifice, le maire d'Alençon a voulu rassurer ses administrés.

"Nous disposons de 60 caméras dans la ville, et nous avons décidé d’en déployer davantage. Elles sont utiles pour identifier quelques fois les individus, la police se sert des images pour les enquêtes", a déclaré l’édile lors d’une conférence de presse ce mercredi.

Un argument sécuritaire déjà souligné la veille par Gérald Darmanin après que des policiers ont essuyé des tirs dans le quartier de la Duchère, à Lyon.

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"Je déplore que dans certains quartiers où nous luttons contre le trafic de drogue, il n’y ait pas de caméras de vidéoprotection. Cela fait trois fois que j’en parle au maire de Lyon. Nous appelons les maires de France à aider les policiers en mettant des caméras", a tancé le ministre de l’Intérieur

0 à 3% des affaires résolues grâce à la vidéoprotection

Ces caméras sont-elles vraiment la solution pour protéger les villes contre la délinquance? Difficile de trancher car "nous manquons d’enseignement sur l’efficacité de la vidéoprotection", souligne la Cour des comptes dans un rapport publié en 2011. L’instance note néanmoins que, d’après les études menées à l’étranger, au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Australie, ce dispositif ne brille pas par son efficience.

Une seule fois, le gouvernement français s’est fendu d’un compte-rendu sur la vidéoprotection, en 2009. Un rapport encensant - qui fait état d’une forte diminution de la délinquance dans les communes équipées de vidéoprotection - mais largement controversé en raison d’erreurs méthodologiques, note Le Monde.

Si l'objet est présenté par les autorités et les élus comme un formidable outil de dissuasion pour les malfaiteurs, le sociologue Laurent Mucchielli estime que son efficacité est en réalité bien discutable.

Certes, les caméras de surveillance donnent lieu à "de belles histoires, avec des affaires élucidées grâces aux images enregistrées. Mais, contrairement à la communication qui est faite là-dessus, ça ne représente que 0 à 3% des affaires résolues par la police et la gendarmerie", nous explique le spécialiste qui a enquêté sur la question de 2012 à 2017.

D’après les chiffres cités dans son ouvrage Vous êtes filmés! Enquête sur le bluff de la vidéosurveillance, paru en 2018, sur 60.000 affaires en 2016, seulement 4000 sont en images. Parmi celles-ci, seules 1800 donnent une information à la police, et seulement 100 permettent d’identifier un individu. "On peut donc émettre des doutes sur le rapport coût/avantage" de ce dispositif coûteux. Entre 2007 et 2009 par exemple, l'État a débloqué 23 millions d'euros pour accompagner environ 600 projets de déploiement de cet outil, rapportait alors Le Figaro.

"Les caméras embêtent mais n’empêchent pas"

Outre l’étude des images enregistrées, des policiers municipaux travaillent également sur le visionnage des images en direct. Un exercice jugé là aussi inepte par le sociologue.

"Ils observent des dizaines d’écrans en même temps, c’est très compliqué de savoir exactement quoi regarder. D’autant qu’il n’y a pas de caméras à tous les coins de rue - peu de villes ont plus de 5% de leur territoire couvert par la vidéoprotection", souligne-t-il, précisant que face à l’inutilité de la surveillance en direct, le dispositif est souvent détourné pour faire de la vidéoverbalisation des infractions routières.

Et même si les agents assistent à une infraction captée en direct, "c’est un fusil à un coup. Après, tout le monde sait où se trouve la caméra et la délinquance se déplace sur une zone qui n’est pas surveillée", lance Laurent Mucchielli. La délinquance subsiste, elle ne se déroule simplement plus au même endroit

"Les caméras embêtent mais n’empêchent pas", souligne-t-il.

Outil politique

Elles dérangent, c’est un fait. En 2019, à Longjumeau, deux mâts de vidéoprotection installés à proximité d’un point de deal ont été démontés à l’aide d’une disqueuse. Mi-octobre, des individus cagoulés en ont scié un autre, en pleine rue, à Oyonnax dans l’Ain. Une fois au sol, la caméra a été piétinée jusqu’à ce qu’elle soit totalement détruite, seulement 48 heures après son installation.

"Partout où ce système est mis, dans des endroits sensibles et utiles pour la police, c’est-à-dire par rapport au trafic de stupéfiants, il est dégradé", constate David-Olivier Reverdy, secrétaire national adjoint au syndicat de policiers Alliance.

Une fois détériorées, ces caméras sont généralement remplacées à grands coups de discours sécuritaires. "Elles servent les discours politiques pour faire plaisir à l’électorat. C’est un argument très fort puisque visible dans les villes, ça rassure", conclut le sociologue.

Article original publié sur BFMTV.com