Transition écologique : le bien commun n'a pas de prix
TRIBUNE. La transition écologique doit-elle être menée sous le seul prisme du coût-bénéfice ? Non, répondent une nouvelle fois Jézabel Couppey-Soubeyran et Ivar Ekeland qui s'inquiètent "qu'à force de calculer les prix on en oublie les valeurs". Ce sont ces valeurs, clairement affirmées par le gouvernement et priorisées dans le budget de l'Etat avec des instruments redistributifs, qui permettent l'acceptabilité sociale de mesures parfois contraignantes, écrivent l'économiste et le mathématicien.
Nous nous sommes attirés les foudres de l'économiste Christian Gollier pour avoir écrit que le calcul économique ne résolvait pas tout, et que la valeur du carbone que l’on évite d’émettre pouvait, dans le cadre d'une politique climatique, être considérée comme infinie.
Prenons un exemple concret. Dans son rapport annuel de 2021, l'Agence internationale de l’énergie (AEI), qui n'est guère suspecte d'idéologie ni de "pirouette anticapitaliste", déclare que, si l'on veut respecter la limite de 1,5C° de réchauffement à laquelle on s’est engagée dans l'Accord de Paris, il ne faut plus mettre en service de nouveaux gisements de pétrole ou de gaz, ni de mines de charbon. Cela veut dire que, quel que soit le bénéfice économique que l'on pourrait attendre du carbone supplémentaire injecté dans l'agriculture ou l'industrie (et en définitive dans l'atmosphère), il faut juste s'en passer. N'est-ce pas attribuer un coût social infini au carbone émis au-delà de la limite, une valeur infinie au carbone évité ?
Choisir la priorité
Nous ne confondons pas les notions de valeurs et de prix. Au contraire, nous rappelons que la valeur ne s'exprime pas nécessairement par un prix de marché ! Oscar Wilde écrivait en 1892 qu'un cynique est quelqu'un "qui connaît le prix de tout et la valeur de rien". C'est bien ce qui nous inquiète, qu'à force de calculer les prix on en oublie les valeurs. Or la valeur est ce qui pose des bornes à nos actions individuelles ou collectives : on ne vend pas un être humain, quel que soit le prix que l'on puisse en obtenir. Toutes nos décisions, a fortiori celles de la puissance publique, ne sauraient par conséquent se réduire à un calcul coût-bénéfice.
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