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Suicide de Lucas: des profs peu préparés aux questions LGBT+ et à la lutte contre l'homophobie

Des professeurs dénoncent le manque de formation pour lutter contre l'homophobie à l'école (image d'illustration). - PIERRE-OSCAR BRUNET / BFMTV
Des professeurs dénoncent le manque de formation pour lutter contre l'homophobie à l'école (image d'illustration). - PIERRE-OSCAR BRUNET / BFMTV

Près d'un mois après le suicide de Lucas, une marche blanche est organisée ce dimanche à Épinal (Vosges), en hommage à l'adolescent de 13 ans, qui subissait selon sa famille insultes et harcèlement dans son collège en raison de son homosexualité assumée. Quatre de ses anciens camarades vont être jugés pour "harcèlement scolaire ayant entraîné le suicide".

Sa mort a entraîné une vague d'émotion nationale, et ce jusqu'au sein du gouvernement. Le ministre de l'Éducation Pap Ndiaye n'a pu retenir ses sanglots face aux sénateurs le 18 janvier, évoquant "le chagrin, la douleur". Mais à la tristesse a vite succédé la colère, et des interrogations.

Comment en France, en 2023, un adolescent peut-il encore se donner la mort car il est gay? "Ce drame montre à quel point la lutte contre le harcèlement scolaire, contre l’homophobie doit demeurer une priorité du gouvernement", a estimé Pap Ndiaye au Sénat.

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"Le corps enseignant aurait pu faire plus", a déclaré pour sa part Séverine, la maman de Lucas, lors de sa première prise de parole publique lundi. "Il aurait dû faire plus, il y a des choses qui n’ont pas été faites, comme prendre des mesures disciplinaires à l'encontre des harceleurs par exemple."

"Ça semble les dépasser"

Dans une société française où paradoxalement, une part grandissante de Français se déclare appartenir à la communauté LGBT+, mais où les préjugés et la haine homophobe restent encore tenace, les enseignants ne sont pas, ou peu préparés à voir ces questions émerger dans leur salle de classe.

"Les questions LGBT+ doivent être abordées à l’école, prises en charge par l’Éducation nationale", affirme Lucile Jomat, présidente de l'association SOS Homophobie, interrogée par BFMTV.com. Mais son constat est sévère:

"Les enseignants ne sont pas formés et incapables de faire un cours sur la question."

Un constat qui entre en résonnance avec le témoignage de Marie*, jeune enseignante en première année de titularisation dans un collège de Savoie. Elle se souvient du cas d'un élève non-binaire, qui souhaitait l'emploi du pronom neutre 'iel'. "Les profs en parlaient de manière absolument pas tolérante et compréhensive. J'ai aussi surpris plusieurs professeurs qui étaient dans l'incompréhension totale de tout ça, ça semble les dépasser. Ils ne sont pas informés, disent n'importe quoi, s'offusquent...", se souvient pour BFMTV.com la jeune femme.

"Je n'ai vu aucune formation à ce sujet dans mes mails ou quoi… Rien. On a des formations sur le numérique, la laïcité, l’évaluation des élèves, mais c’est tout", regrette la jeune femme.

Des formations facultatives

Jérémy Destenave, professeur de SVT membre du syndicat Snes-FSU, est engagé sur ces questions dans son collège de Dordogne. Auprès de BFMTV.com, il rappelle qu'une formation d'une semaine dédiée "à la sexualité et à la vie affective" est bien mise à disposition des enseignants par l'Éducation nationale. Mais elle repose sur la base du volontariat. "Elle est insuffisamment suivie, par moins de 5% des professeurs", regrette-t-il.

"Selon moi, elle devrait en réalité être intégrée dans la formation des professeurs, avant le concours. Elle devrait être obligatoire pour tous."

L'association SOS Homophobie, qui dispose d'un agrément national du ministère de l'Éducation nationale, réalise de nombreuses interventions en milieu scolaire, principalement à destination des élèves. Mais là encore, le volontariat est de mise.

"De plus en plus d’établissements veulent des formations, mais nous avons peu de moyens humains, il faut débloquer de l’argent", ajoute Lucile Jomat. "Et bien sûr, on ne peut pas forcer les professeurs à y assister. Or, les volontaires sont souvent ceux qui sont le plus sensibles à la question, et qui en ont logiquement le moins besoin."

Le scepticisme d'Emmanuel Macron

Enfin, les cours d'éducation à la sexualité, qui sont censés être des espaces d'échange avec les élèves, passent souvent à la trappe durant l'année scolaire, par manque de temps. Ils sont pourtant pensés, officiellement, pour reposer "sur les valeurs d’égalité, de tolérance, de respect de soi et d'autrui" et pour s'inscrire, entre autres, "dans la politique nationale de lutte contre les comportements homophobes, sexistes et contre les violences sexuelles".

"Il est censé y en avoir trois par an", rappelle Lucile Jomat. "Dans les faits, si vous en avez tous les deux ans, vous êtes chanceux."

Chez les enseignants, la peur d'évoquer la question de la sexualité face aux élèves est toujours prégnante. Dans une interview accordée à Brut en avril 2022, Emmanuel Macron avait lui-même déclaré n'être "pas favorable" à ce que les questions de genre et d'orientation sexuelle soient abordées à l'école primaire. "Je suis sceptique sur le collège, mais ma position n'est pas arrêtée", avait continué le chef de l'État.

"Il faut arrêter de toujours mettre cet aspect sexuel en avant", rétorque Lucile Jomat, qui déplore une difficulté à séparer orientation sexuelle de relations sexuelles. "À 13 ans, on peut déjà aborder certains points, on n'est pas obligé de parler de sexualité, mais d'attirance!", appelle-t-elle de ses vœux.

Une circulaire sur les élèves transgenres

Une quasi-absence des questions LGBT+ à l'école, alors qu'une part grandissante d'élèves se déclare non-hétérosexuelle, selon les experts interrogés par BFMTV.com. À l'image de Lucas, qui ne cachait pas son homosexualité. "On observe de plus en plus de jeunes qui s'assument, y compris en milieu rural", note Jérémy Destenave.

"Cela peut être un arc-en-ciel sur la trousse, des garçons qui mettent un crop-top, ou même des couples qui s'assument dans la cour de récréation."

En septembre 2021, une première pierre avait été posée par le ministère de l'Éducation nationale, avec la diffusion à tous les personnels d'une circulaire "pour une meilleure prise en compte des questions relatives à l'identité de genre en milieu scolaire". L'administration, à l'époque dirigée par Jean-Michel Blanquer, avait été pointée du doigt après le suicide en décembre 2020 d'une lycéenne transgenre à Lille.

Le document entend fixer un cadre concernant le choix vestimentaire des élèves, ou encore l'usage des toilettes ou des chambres d'internat. Concernant le changement de prénom, "si la demande est faite avec l'accord des deux parents (...), il s'agit alors de veiller à ce que le prénom choisi soit utilisé par l'ensemble des membres de la communauté éducative".

"Honorer la mémoire de mon fils"

Si les enjeux LGBT+ sont peu voire pas évoqués à l'école, les situations de harcèlement auxquelles peuvent être exposées les élèves LGBT+ sont forcément plus difficiles à appréhender, estime Lucile Jomat: "Les professeurs manquent clairement d'outils. Ils ne sont pas toujours en capacité d'identifier les problèmes de harcèlement relatifs à ces problématiques."

La plateforme Éducsol destinée aux professionnels de l'éducation consacre deux fiches à ces thématiques: une pour prévenir l'homophobie et la transphobie à l'école, une autre pour agir contre les LGBTphobies.

Contacté, le ministère de l'Éducation nationale se borne à expliquer que "la lutte contre l’homophobie à l’école est une politique éducative portée par le ministère de l’Éducation nationale qui se décline notamment par une campagne annuelle dans les établissements scolaires".

Pap Ndiaye souhaite "la généralisation dans chaque académie, de groupes de sensibilisation, de prévention et d'action contre l'homophobie à l'école", continue le ministère auprès de BFMTV.com, et assure que "l'éducation à la sexualité" est une "priorité du gouvernement".

Auprès du magazine Têtu, le ministre a affiché mercredi sa volonté de faire "un effort dans les programmes, dans la manière dont les sociabilités scolaires se passent", et a promis que les portes allaient être "grandes ouvertes" aux associations. "Nos interventions dans les établissements ne sont qu’une goutte d’eau, on ne peut pas porter tout le travail", nuance Lucile Jomat.

* Le prénom a été modifié, à la demande de l'intéressée.

Article original publié sur BFMTV.com