Sanctions, livraison d'armes : la guerre en Ukraine percute la neutralité suisse

Thomas Hodel

EDITORIAL - L’extrême frilosité de la classe politique concernant une remise en cause de la neutralité du pays est surprenante tant l’opinion, elle, évolue. 55 % des Suisses seraient aujourd’hui favorables à un rapprochement avec l’Otan, souligne notre éditorialiste Marc Semo.

Depuis le 1er-mai, la Confédération helvétique préside pour un mois le Conseil de sécurité des Nations Unies, l’instance exécutive du système onusien qui, selon la Charte, a "la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationale". La représentante de Berne, Pascale Baeriswyl, 54 ans, a ainsi le redoutable honneur de s’asseoir à la table en fer à cheval autour de laquelle se réunissent les cinq membres permanents dotés du droit de veto et les dix membres non permanents élus pour deux ans.

La nouvelle pourrait sembler anecdotique tant semble dénué d’enjeu ce passage de relais mensuel selon l’ordre alphabétique en anglais. Mais la Suisse qui succède à la Russie, dont la présidence fut pour le moins contestée et contestable, occupe cette fonction, même si elle est surtout symbolique, pour la première fois de son histoire !

Il s’agit d’un véritable défi pour ce pays dont la "neutralité perpétuelle" reconnue par le traité de Paris en 1815 est mise à rude épreuve par la guerre en Ukraine.

"Moment historique" pour la diplomatie suisse

Ce conflit conventionnel de haute intensité, mené en Europe par une puissance nucléaire membre permanent du Conseil de sécurité, représente en effet un changement de donne majeur. La Suisse est désormais contrainte de s’interroger sur les limites de sa neutralité alors que les pays de l’Union européenne qui l’entourent ont tous pris fait et cause pour Kiev, livrant des armes et décrétant des sanctions économiques.

Sur toutes ces mesures, la Suisse est à la traîne, voire opposée, arguant de son statut de pays neutre tel que codifié par les conventions de La Haye en 1907, et de son rôle traditionnel de médiateur. C’est un exercice où excelle traditionnellement la diplomatie helvétique. Ainsi aujourd’hui Berne représente Washington à Téhéran.

Les Suisses, qui hébergeaient à Genève la Société des Nations pendant l’entre-deux guerres, se sont d’ailleurs longtemps méfiés de l’ONU. Le poids trop important dont y disp[...]

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