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Sa guerre contre les prix est finie


Il n'a pas toujours été le visionnaire que l'on veut bien décrire, mais Edouard Leclerc, décédé le 17 septembre 2012 à Saint-Divy (29), commune limitrophe de son Landerneau natal, est assurément le patron le plus emblématique de la grande distribution.


Avec un chiffre d'affaires 2011 de 37,8 milliards d'euros, en hausse de 8,7%, les Centres E.Leclerc sont aujourd'hui la première enseigne française de grande distribution, avec 18,6% de parts de marché. L'histoire de ce titan a commencé voici près de 63 ans, lorsqu'un ancien séminariste choisit de prêcher la parole des prix bas au lieu de celle de Jésus. Edouard Leclerc vient alors de fêter ses 23 ans et décide de vendre dans un garage désaffecté de Landerneau quelques articles de grande consommation, comme des biscuits, "au prix de gros". Son idée est somme toute assez simple : se fournir directement auprès des producteurs, afin de court-circuiter les marges des intermédiaires. L'épicier breton fait assez rapidement des émules. Huit ans après la fondation de son "centre distributeur" de Landerneau, une dizaine d'autres épiciers bretons, sans lien financier avec Edouard Leclerc, fonctionnent sur son principe, se fournissant auprès de lui et se voyant ainsi rétrocéder les ristournes accordées par les producteurs en fonction du volume. Le Mouvement E.Leclerc est en train d'éclore, et se structurera bientôt en association, chaque magasin restant la propriété de son dirigeant.

Un patron militant plus que visionnaire

Les accusations de "tuer le petit commerce" pleuvent assez vite sur lui, notamment de la part du très populiste Pierre Poujade, dirigeant d'un syndicat de commerçant. Pourtant, l'enseigne est encore à des années-lumière des hypermarchés qui sont aujourd'hui ses "navires amiraux". A vrai dire, à ses débuts, Edouard Leclerc ne croit même pas au concept de supermarché : tout vendre dans un lieu unique ! C'est Goulet-Turpin, société aujourd'hui disparue, qui inaugure le concept en 1958, suivi par Casino, puis Auchan et Carrefour. Ce format devient vite incontournable, avec plus de 200 magasins à travers la France en 1962, et Leclerc fait figure cette fois de retardataire, en ouvrant cette même année son premier supermarché à Brest. Bien plus tard, il sera aussi à la traîne au moment où les marques-distributeur s'imposent.

Mais s'il est un terrain où Edouard Leclerc a toujours été au rendez-vous, c'est celui des médias. Là où son adversaire Poujade défendait le petit commerçant, lui se fait l'apôtre du consommateur et des prix bas. Fort des premiers procès gagnés contre certains producteurs, qui refusaient de lui vendre leurs articles, il n'hésite pas à croiser le fer avec la loi, parvenant ici à faire libéraliser le prix des carburants, échouant là sur le prix du livre, partant en croisade contre la loi Royer votée en 1973 pour encadrer l'implantation des grandes surfaces. Un temps, il sera même tenté par la politique.

Champion des prix bas

Certes, les prix bas vantés par les publicités Leclerc ne sont pas une pure invention. L'indicateur des prix des hypermarchés, calculé par le magazine Linéaires depuis 2000 (sur un panier de 102 références alimentaires), donne régulièrement l'enseigne en tête de classement. Une autre étude, régulièrement publiée par le cabinet OC&C, est tout aussi intéressante: elle révèle que les consommateurs perçoivent l'enseigne comme moins chère qu'elle ne l'est réellement, à la différence de ses principaux concurrents. C'est la récompense d'une médiatisation réussie du combat contre les prix et les monopoles, cheval de bataille éternel d'Edouard.
C'est en 1969 que Leclerc ouvre son premier hypermarché. La même année, le groupement connaît un coup dur lorsqu'une centaine d'adhérents quitte l'enseigne pour fonder ce qui deviendra Intermarché.
Les Centres E.Leclerc se développent fortement dans les années 1970 et 1980 sur tout le territoire français, toujours sous la houlette du fondateur qui ne passera la main qu'en 2005, après 56 ans de bons et loyaux services. C'est aujourd'hui son fils Michel-Edouard qui préside aux destinées de l'Association des centres distributeurs E.Leclerc (ADCLec), poursuivant le combat avec les armes du nouveau siècle. L'enseigne publie ainsi sur internet le comparateur de prix quiestlemoinscher.com.

La part d'ombre d'Edouard Leclerc

Mais Edouard Leclerc, champion des prix bas, fut aussi un personnage controversé. En 2009, lorsque Nicolas Sarkozy lui remet ses insignes de chevalier de la Légion d'honneur, la nouvelle fait grincer des dents dans le Landerneau des anciens résistants. A la Libération, celui qui était encore un tout jeune homme avait été accusé de collaboration avec l'ennemi et de délation. Incarcéré plusieurs mois, il fut ensuite libéré pour un motif assez curieux, celui d'irresponsabilité mentale, ce qui laisse entendre une certaine complaisance. Par la suite, s'il cultiva toujours une image d'homme simple et altruiste, on peut se demander si elle fut si méritée. En 2003, lorsqu'il céda le nom de l'enseigne à ses adhérents, ce fut pour une somme rondelette, alors estimée à 120 millions d'euros.
Il n'en reste pas moins que ce père fondateur laisse derrière lui une entreprise majeure du paysage économique français. Et alors que se dessine une nouvelle tendance de consommation, le "drive" (le consommateur commande sur internet puis vient chercher ses commissions), Leclerc est cette fois à la pointe du progrès. Sa structure associative et son discours très militant font du "Mouvement" un acteur atypique, comme son fondateur le fut. Dans son communiqué de chiffre d'affaires 2011, Leclerc prophétise déjà qu'il sera la première enseigne française en 2015. Assurément, une société cotée en Bourse n'aurait pas la liberté de faire de telles promesses.

Emmanuel Schafroth

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