Publier un roman quand on est un politique, un exercice périlleux
La coquetterie campe page 74. Quelques phrases valsent sur Twitter et le scandale enfle. «Elle me tournait le dos; elle se jetait sur le lit; elle me montrait le renflement brun de son anus. “Tu viens Oskar? Je suis dilatée comme jamais.”» L'auteur de ses lignes s'avère être le ministre de l'Économie et des Finances.
Le court extrait érotique du dernier roman, Fugue américaine, de Bruno Le Maire, a quelque peu parasité sa sortie, le 27 avril. Alors que l'homme politique pouvait s'enorgueillir d'avoir rejoint la collection Blanche de l'éditeur Gallimard, sorte de reconnaissance suprême du talent littéraire et cénacle des écrivains contemporains, le passage a suscité les railleries sur les réseaux sociaux, nourri l'incompréhension de plusieurs journalistes politiques et inspiré le recadrage stylistique de certains écrivains couronnés comme Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2019, cherchant à mesurer «comment ça aurait pu s'écrire autrement».
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Depuis 2004 et la parution de son premier livre Le Ministre, où il dépeignait la vie de Dominique de Villepin, Bruno Le Maire cultive une forme d'attraction pour la fiction et le roman. Son amitié avec Michel Houellebecq, à qui il a ouvert les portes de son ministère, pour camper le personnage principal, Bruno Juge, de son dernier roman, Anéantir, en témoigne.
Tradition française
Afficher sa proximité avec le monde littéraire est un procédé d'image qui n'est pas nouveau dans le monde politique. «François Mitterrand, par exemple, ne cessait de faire valoir son admiration pour des écrivaines comme Françoise Sagan ou Marguerite Duras», souligne François Hourmant, chercheur à l'Université d'Angers, spécialiste des stratégies de représentation du personnel politique, et auteur...