Yahoo Finance Présidentielle: le vote des femmes, le talon d'Achille d'Eric Zemmour
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La mise en scène était travaillée. En déplacement à Bordeaux, le 16 novembre dernier pour sa tournée promotionnelle, Éric Zemmour a été opportunément accueilli sur scène par une banderole rose indiquant "Les femmes avec Zemmour". Dans la salle, Libération compte alors une vingtaine de militantes de ce collectif.
Depuis plusieurs semaines, Marie Durand qui a créé le compte Twitter qui reprend le nom de ce petit groupe, multiplie les posts montrant des femmes qui déclarent qu'elles vont voter pour l'essayiste. Pendant plusieurs jours, le responsable de sa campagne numérique, Samuel Lafont, un ancien militant du Printemps français, n'a cessé de relayer ces tweets.
"Les femmes sont le but et le butin de tout homme"
Les femmes avec Zemmour seront-elles à nouveau sur scène ce dimanche, à l'occasion du meeting du désormais candidat à Villepinte (Seine-Saint-Denis)? Eric Zemmour accuse en tout cas un certain retard auprès de cet électorat: selon un sondage Opinion 2022 réalisé fin novembre par Elabe pour BFMTV et L'Express avec notre partenaire SFR, l'essayiste recueille entre 8 et 12% des intentions de vote chez les femmes, contre de 15 à 17% chez les hommes, selon les scénarios.
Il faut dire que dans son dernier ouvrage, La France n'a pas dit son dernier mot, pensé comme une rampe de lancement vers la présidentielle, l'ancien journaliste du Figaro ne tergiverse pas sur sa vision des femmes.
"Dans une société traditionnelle, l’appétit sexuel des hommes va de pair avec le pouvoir ; les femmes sont le but et le butin de tout homme doué qui aspire à grimper dans la société. Les femmes le reconnaissent, l’élisent, le chérissent"; écrit ainsi Éric Zemmour au sujet de l'affaire Dominique Strauss-Kahn.
Des dizaines de déclarations similaires
Si cette déclaration a été qualifiée de "misogyne" par une tribune d'élues La France insoumise, elle ne détonne pas sous la plume d'Eric Zemmour. Dans un pamphet, Le premier sexe, publié en 2006, le polémiste tenait déjà des propos similaires:
"Un garçon ça va, ça vient ; un garçon ça entreprend, ça assaille et ça conquiert, ça couche sans aimer, pour le plaisir et pas pour la vie. Ça prend et ça jette, un garçon, ça goûte sans s’engager, c’est dans le multiple et non dans l’unique, Casanova plutôt que la princesse de Clèves."
L'ouvrage, vendu à plus de 100.000 exemplaires, est alors un vrai succès de librairie. Cela lui vaut à l'époque une invitation remarquée dans Tout le monde en parle, l'une des émissions phares de France 2. Entre ce passage à la télévision et sa déclaration de candidature 15 ans plus tard, France inter a exhumé des dizaines de déclarations sexistes.
"Ma vie privée étalée"
L'ex-éditorialiste est par ailleurs accusé d'agressions sexuelles par plusieurs femmes, qui ont témoigné auprès de Mediapart - aucune plainte n'a été déposée pour l'instant. "Les femmes qui nous ont parlé au cours de ces enquêtes rapportent un comportement assez systématique", affirme l'une des reporters en charge de l'enquête, Lenaïg Bredoux. "Elles ont eu l'impression d'être une jeune femme qui, aux yeux d'Éric Zemmour, aurait été à sa disposition. C'est la manière dont elles l'ont perçu."
"C'est conforme à ses propres déclarations sur les femmes, la sexualité masculine, sur la virilité des hommes", note la journaliste.
Eric Zemmour reconnaît lui-même dans son dernier livre que cette situation peut être un lourd handicap et anticipe des attaques de ses adversaires:
"On me promettait mille coups bas, cent coups tordus (...) 'Ta famille n'y résistera pas' me dit-on. 'Tu auras un contrôle fiscal', 'Mediapart est déjà sur ton dos, ils vont te trouver une fille qui t'accusera d'agression sexuelle, de viol'. C'est facile aujourd'hui."
L'écrivain cite aussi les mises en garde de certains de ses proches, selon lesquels sa "vie privée", "ses amours" se retrouveraient "étalés" en cas de candidature. En réponse, le polémique se décrit au contraire comme le meilleur allié du féminisme.
"C’est quand même un peu gonflé de me faire l’ennemi des femmes alors que, qu’est-ce qui menace les femmes aujourd’hui? Ce ne sont pas les méchants blancs hétérosexuels. Celui qui protège le mieux les femmes, c'est moi", explique-t-il sur le plateau de CNEWS le 4 novembre dernier.
L'électorat féminin moins favorable à Zemmour
Le plaidoyer ne semble toutefois pas convaincre l'électorat féminin. "Il est de tous les candidats celui qui connaît la plus forte désaffection du vote des femmes", souligne une étude de la Fondation Jean Jaurès publiée fin octobre. "Il affiche affiche un écart de 6 points entre les hommes et les femmes dans les intentions de vote. L'écart montant même à 13 points entre les femmes de moins de trente-cinq ans (8%) et les hommes de plus de soixante ans (21%)."
"C'est l'un des très gros handicaps de sa candidature", analyse le directeur de l'institution, Gilles Finchelstein, auprès de BFMTV.com. "Il se retrouve dans la même situation que Jean-Marie Le Pen il y a 20 ans, là où pour Marine Le Pen, il y a désormais autant d'hommes que de femmes qui votent pour elle."
Ambiguïté sur l'IVG
En guise d'explication de cet écart électoral, l'inquiétude d'un éventuel recul des droits des femmes: 66% de celles sondées par l’Ifop disent envisager un recul à ce sujet en cas de victoire. Cette part monte à plus de 70% chez celles qui se disent "féministes".
Sur la question de l'IVG, l'essayiste se fait d'ailleurs ambivalent. En avril 2020, il estime que l'avortement devrait "être une exception pour des circonstances exceptionnelles" et non un "droit quasi-constitutionnel", sur le plateau de CNEWS. Le 24 octobre dernier, il le qualifie de "drame pour chaque femme qui y a recours" sur RTL.
Mais dans le même émission, l'ancien chroniqueur affirme "absolument ne pas tenir à revenir" sur le droit à l'avortement. Interrogé sur la question de l'IVG par des journalistes de RMC, le polémiste botte en touche. "Pour l'instant, je n'ai pas de mesure précise sur ces sujets", leur a-t-il répondu, à la sortie du meeting des Éveilleurs, un mouvement proche de la Manif pour tous le 19 octobre dernier.
Le sujet, et plus généralement la question des droits des femmes, n'est pour l'heure pas évoquée sur son site de campagne.
