Les naufragés du confinement
Petits commerçants en faillite, jeune couples réduits aux banques alimentaires... Il y aurait déjà des millions de victimes collatérales de la crise sanitaire.
Teint frais, doudoune d’un blanc immaculé et sac en toile « Biocoop », Flavie, 27 ans, détonne… Dans la file qui s’étire devant l’épicerie solidaire Montparnasse Rencontres du XIVe arrondissement de Paris, les mines sont plutôt sombres. Et les chariots de marché, rapiécés. Comme chaque jeudi depuis trois semaines, cette blonde toute fine se glisse entre sans-papiers et travailleurs précaires. Etudiante en psychologie, elle est une bénéficiaire récente. La fiche qui lui donne désormais le droit d’effectuer ses courses à moindre coût fait tache dans la pile de dossiers de l’association. Ses parents, qui refusent de l’aider, sont trop aisés pour qu’elle puisse prétendre à une bourse, et son statut d’étudiante ne lui donne pas accès au RSA. Jusque-là, Flavie tenait en enchaînant les petits boulots : « J’ai souvent été caissière, vendeuse, mais pas moyen de trouver un job ces derniers mois. » Pour boucler novembre, elle ne peut compter que sur les 874 euros d’assurance chômage de son conjoint, Rassoul, intérimaire, qui n’a plus trouvé d’emploi depuis le premier confinement. Le visage cerné du trentenaire, père d’un enfant de 7 ans dont Flavie et lui s’occupent les week-ends, est accablé. Ses larges épaules se sont voûtées. La galère, il avait déjà donné. Mais jamais à ce point. Au pire moment, l’été dernier, entre les murs insalubres d’un studio exigu de 15 mètres carrés, le couple ne se nourrissait que des galettes préparées par Flavie avec les seuls ingrédients dont ils disposaient : un peu de farine et d’eau. Victimes collatérales de la crise sanitaire, atteints par cet autre mal qui menace la France, la précarité, Flavie et Rassoul ne souffrent ni de fièvre ni de toux, mais leur intégrité physique est menacée par(...)