Michel Rolland, œnologue Bordelais seigneur des châteaux
Référence mondiale, l'œnologue du Bordelais s'apprête à fêter ses cinquantièmes vendanges, de Saint-Emilion à l'Argentine. Une carrière à façonner les crus et humer les gens, sans jamais se prendre sérieux.
Un 24 décembre 1997, jour de ses cinquante ans, Michel Rolland se délectait d'un repas mémorable. Un dîner conçu pour passer un bon moment certes, mais aussi pour s'en souvenir avec tendresse le restant de ses jours. Avec deux amis qui fêtaient eux aussi leurs cinquante ans, dont le critique américain Robert Parker, il a ouvert et dégusté vingt-sept bouteilles de leur millésime de naissance: 1947. Uniquement les plus grands crus de Bordeaux. Des flacons rarissimes et hors de prix. "Un Petrus?", lui demande-t-on vingt-cinq ans plus tard. "Bien sûr", répond-il. "Haut Brion?", s'étonne-t-on. "Evidemment! C'est le vin préféré de Bob!", explique-t-il. "Cheval Blanc? Margaux? Ausone? Lafite?" A chaque nom, il acquiesce.
Il ne se souvient plus de la conversation. "Je pense que l'on a dû passer 95% de notre temps à parler de vins. Comme d'habitude." En revanche, il n'a pas oublié les bécasses rôties à la ficelle qu'ils ont mangées ce jour-là, ni le foie gras… L'épisode résume bien l'esprit facétieux, un brin provocateur, de Rolland, et son goût des bonnes choses. C'est sa nature et sa culture. A bientôt 75 ans, le Gascon est aujourd'hui un gourou du vin dont les conseils s'achètent à prix d'or. Une sorte de pape des grandes bouteilles. Mais vous ne le verrez jamais pontifier. Il arbore en permanence ce petit sourire, cet air narquois d'enfant indocile qui a toujours eu le don d'exaspérer les maîtres d'école, persuadés que c'était la marque de l'insolence.
La bodeça Rolland, à Mendoza, dans l'ouest argentin. A partir de l'importation d'un cépage originaire de Cahors, il a confectionné le Val de Flores, un grand Malbec d'Argentine.
L'odeur des fenouils plutôt que celle de la craie
"En classe, je n'étais pas un cancre mais un élève assez médiocre. Jamais de prix, ni de couronnes. Je préférais l'odeur des fenouils sur les chemins à celle de la craie." Son grand frère suit de brillantes études et devient avocat, mais lui s'imagine, en toute logique, reprendre les vignes de son[...]