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Meurtre de Sarah Halimi: la question de la responsabilité pénale devant la Cour de cassation

Une manifestation à Paris pour réclamer
Une manifestation à Paris pour réclamer

La famille de Sarah Halimi croit en la tenue d'un procès pour juger le meurtrier présumé de cette femme juive de 65 ans, défenestrée depuis son appartement le 4 avril 2017. Depuis cette date, les quatre enfants de cette ancienne médecin et ancienne directrice de crèche, mais aussi son frère et sa soeur, se battent pour obtenir que le meurtrie présumé soit renvoyé devant une cour d'assises. Pour l'heure, ce dernier a été déclaré irresponsable pénalement.

Ce mercredi, la Cour de cassation examine les pourvois formulés par la famille de Sarah Halimi. Alors que les mémoires des avocats ont été rendus depuis plusieurs semaines, tout comme celui du conseiller rapporteur, et avant que la chambre criminelle, qui sera composée de dix magistrats, se réunisse pour écouter les arguments de toutes les parties. La plus haute juridiction dans l'ordre judiciaire aura comme de choix de valider ou de casser l'arrêt pris par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, qui a retenu l'abolition du discernement dans ce dossier. La décision va être mise en délibéré.

"L'enjeu de cette audience est de savoir si l'irresponsabilité pénale par abolition du discernement suite à un trouble psychique lié à la consommation de stupéfiants va être retenue", détaille Me Muriel Ouaknine-Melki, avocate du frère de Sarah Halimi.

Des expertises discordantes

Le 4 avril 2017, Kobili Traoré, au casier déjà bien rempli pour notamment des vols et des violences, pénètre par la fenêtre chez sa voisine Sarah Halimi après une violente dispute avec sa famille et après s'être présenté chez d'autres voisins, pieds nus, chaussures à la main, le regard brillant. L'homme va rouer de coups la sexagénaire pendant 15 à 20 minutes, avant de la défenestrer du 3e étage de l'immeuble du 30 rue de Vaucouleurs, dans le 11e arrondissement de Paris. Des témoins entendent alors l'homme âgé de 27 ans réciter des sourates du Coran et hurler "j'ai tué le Sheitan" ("le démon" en arabe, NDLR). Interrogé par les juges, il dira qu'il pensait "être pourchassé par le diable".

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Si aucune reconstitution du meurtre n'a été réalisée au cours de l'instruction, ce que déplore la famille de Sarah Halimi, trois expertises psychiatriques de Kobili Traoré ont été réalisées. La première, menée par le psychiatre Daniel Zagury, conclut à "une bouffée délirante aiguë" provoquée par la consommation de cannabis. Les six autres experts, lors de deux autres expertises distinctes, vont conclure au même diagnostic. Ce qui diffère, c'est que Daniel Zagury propose de retenir une "altération du discernement", qui ouvre la voie à un renvoi devant une cour d'assises. L'expert a estimé que la prise de cannabis était "une intoxication chronique volontaire", et que Kobili Traoré était partiellement responsable de ses actes.

La deuxième expertise, réalisée par trois professionnels, conclut à une abolition du discernement, sans lien avec sa consommation de cannabis mais relevant d'une pathologie schizophrénique. La troisième expertise, réalisée à nouveau par un collège des trois experts, tend également vers une abolition du discernement, causée par sa prise de stupéfiants. De ce fait, selon les experts, Kobili Traoré n'avait pas conscience que sa consommation de cannabis depuis des années provoquer une bouffée délirante le conduisant à tuer Sarah Halimi.

Hospitalisation d'office pendant 20 ans

Ce sont ces conclusions qui ont été retenues par la juge d'instruction, allant à l'encontre des réquisitions du parquet, qui avait réclamé au terme de l'instruction un renvoi devant la cour d'assises, puis par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, qui a déclaré en décembre 2019 que le discernement du jeune homme de 27 ans, à l'époque, était aboli au moment des faits et qu’il était donc pénalement irresponsable. Elle a toutefois retenu le caractère antisémite de ce crime. Kobili Traoré a alors été hospitalisé d'office. Des mesures de sûreté pour une durée de vingt ans ont également été prises à son encontre, comme l'interdiction de retourner sur les lieux.

La Cour de cassation ne va pas se prononcer sur le fond du dossier, à savoir si le discernement de Kobili Traoré était ou non aboli au moment de son passage à l'acte. Mais les magistrats vont s'attacher à examiner si la décision prise par la cour d'appel est conforme au droit et à la législation. L'arrêt, qui sera rendu dans quelques jours ou quelques semaines, va être particulièrement scruté alors que cette affaire a fait réagir jusqu'au plus haut sommet de l'Etat. Il y a un an en déplacement en Israël, Emmanuel Macron s'était prononcé en faveur d'un procès. Avant de se faire recadre par la Cour de cassation rappelant au chef de l'Etat son devoir d'indépendance.

"Un éclairage nouveau"

Pour la famille de Sarah Halimi, l'idée que Kobili Traoré, qui a reconnu son geste, ne comparaisse pas devant des juges est inenvisageable. "Quand des experts psychiatres ne sont pas d'accord entre eux, ça ne relève pas de la compétence de la chambre de l'instruction mais d'une cour d'assises", estime Me Gilles-William Goldnadel, l'avocat de la soeur de Sarah Halimi. "Il y a suffisamment d'éléments pour démontrer une altération du discernement quand bien même sa consommation de cannabis a entraîné une bouffée délirante", abonde sa consoeur, Me Muriel Ouaknine-Melki, qui plaide elle aussi pour un débat contradictoire devant un jury d'assises.

"Tout ce que nous réclamons, c'est un procès devant une cour d'assises, avec des jurés populaires qui viennent regarder le dossier et qui apportent un éclairage nouveau en dehors de celui de la magistrate qui a travaillé sur le dossier, poursuit l'avocate du frère de Sarah Halimi. Dans ce dossier, il faut être courageux, j'espère que la Cour de cassation aura ce courage."

La famille de Sarah Halimi craint que si la décision de ne pas renvoyer Kobili Traoré devant une juridiction - du fait que sa consommation de cannabis, pourtant volontaire, a aboli son discernement - venait à être confirmée par la Cour de cassation, cette dernière ferait jurisprudence dans de nombreux autres dossiers. "La question est de savoir: quand une personne consomme des stupéfiants, est-ce qu'on a envie qu'elle puisse se soustraire à la justice? C'est finalement un problème sociétal", conclut Me Ouaknine-Melki.

Article original publié sur BFMTV.com