Non, la loi hongkongaise n’autorise pas une femme à tuer son mari en cas d’adultère
Plusieurs publications largement relayées sur Facebook affirment qu’à "Hongkong la loi autorise la femme à tuer son mari s’il la trompe". Une sanction présumée qui, selon certains internautes, pourrait dissuader les hommes de commettre un adultère. En réalité, rien dans le code pénal à Hong Kong n’autorise à tuer : ôter la vie constitue un crime puni de la prison à perpétuité sur ce territoire situé au sud-est de la Chine.
L’affirmation selon laquelle "à Hongkong la loi autorise la femme à tuer son mari s’il la trompe" circule de manière virale depuis plusieurs mois. Les publications les plus récentes sont apparues début mai sur Facebook (1, 2, 3), d’autres plus anciennes ayant été publiées par des médias africains en ligne comme Opera News Côte d’Ivoire et Culturebene dès 2021. Sur certains sites (1, 2, 3), il est même précisé que la femme peut tuer son mari en cas d’infidélité mais qu'elle devra le faire à "mains nues".
"Ainsi, à Hongkong, la loi autorise à ce qu’une femme puisse tuer son mari pour cause d’adultère. Mais attention, il y a tout de même une règle à respecter. Il faut impérativement qu’elle le tue à mains nues. Encore faut-il avoir assez de force pour le faire, cependant avec la colère les femmes peuvent être capables du pire", assure par exemple l’auteur de l’article publié par Opera News.
Existe-t-il une législation hongkongaise qui autorise les femmes à ôter la vie de leur époux en cas d’adultère ? "C’est totalement faux ! Hong Kong est une juridiction de Common law. Il n’y a pas de châtiments corporels prévus par la loi", souligne Me Maëva Slotine, avocate spécialisée en droit international des affaires, basée à Hong Kong.
La Common law est un système juridique présent au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et dans la majorité des pays du Commonwealth, c’est-à-dire dans les anciennes colonies britanniques. C’est le cas de Hong Kong, île qui fut rétrocédée à la Chine en 1997.
Selon les professionnels de la Common law interrogés par l’AFP, deux notions sont à isoler et à analyser dans l’affirmation qui circule sur les réseaux sociaux au regard de la législation en vigueur à Hong Kong. La première est l’adultère et la seconde, le meurtre - autorisé ou légal -, qui sanctionnerait cette infraction. La section de la législation hongkongaise dédiée aux relations familiales qui mentionne l’adultère est connue sous l’appellation Matrimonial Causes Ordinance (MCO, Ordonnance sur les affaires matrimoniales).
Selon ce texte, l’adultère est le terme utilisé pour désigner les relations sexuelles volontaires entre une personne mariée et une personne autre que son conjoint. Selon l’article 11 de la Matrimonial Causes Ordinance, l’adultère est l’un des cinq "faits" constitutifs du divorce. Une partie peut donc l’invoquer pour prouver que le mariage "s’est irrémédiablement rompu".
Le demandeur – dans notre cas, la femme qui a été trompée – doit établir le fait d’adultère. En vertu de l’article 11A(a) du MCO, pour établir le fait de l’adultère, le demandeur doit démontrer deux choses :
1 – le conjoint du demandeur a commis l’adultère, et
2 – le demandeur trouve intolérable de vivre avec le conjoint qui a commis l’adultère.
Cette disposition porte en elle-même ses propres limites. Si les parties continuent de vivre ensemble pendant plus de six mois après que l’acte d’adultère a été prouvé, le demandeur ne pourra pas démontrer qu’il trouve intolérable de vivre avec le conjoint qui a commis l’adultère. En cas de divorce, le Matrimonial Causes Ordinance prévoit des compensations pour l’épouse et les enfants (pension alimentaire). Mais à la lecture des articles de cette ordonnance, il n’est nullement question de peine privative de liberté pour le mari adultère, et encore moins d’une permission de tuer pour le conjoint trompé.
"Je peux vous confirmer que les publications qui circulent sont effectivement de fausses informations. L’adultère ne donne pas un "droit" de tuer et n’exonère pas celui ou celle qui commet un tel acte de sa responsabilité pénale. Tout au plus l’infidélité peut constituer une "partial defence" selon les circonstances", explique Nicolas Vanderchmitt, avocat associé au cabinet LPA-CGR, basé à Hong Kong. Dans les systèmes juridiques fondés sur la Common law, la notion de "partial defence" (défense partielle) est une défense qui n’absout pas complètement l’accusé de sa culpabilité.
Aucune justification légale n’est non plus mentionnée dans la section sur les homicides appelée Offences against the Person Ordinance (Ordonnance sur les atteintes à la personne). L’article 2 de cette section de la législation est assez clair sur le sujet :
"Toute personne reconnue coupable de meurtre est condamnée à l’emprisonnement à vie. Toutefois, s’il apparaît au tribunal qu’une personne reconnue coupable de meurtre était âgée de moins de 18 ans au moment de l’infraction, le tribunal a le pouvoir discrétionnaire de décider si la personne doit être condamnée à une peine d'emprisonnement à perpétuité ou à une peine d'emprisonnement de plus courte durée".
A la lecture des articles de la section Offences against the Person Ordinance, aucune disposition n’excuse ou n’autorise le meurtre à Hong Kong. Ce que confirme sur son site internet, le cabinet d’avocats pénalistes de Hong Kong, Morley Chow Seto. "Le meurtre a toujours été l’infraction la plus grave à Hong Kong. Il s’agissait auparavant d'un crime passible de la peine de mort. Bien que la dernière exécution à Hong Kong ait eu lieu en 1966, le meurtre est resté un crime capital à Hong Kong jusqu’en 1993. Aujourd’hui, une condamnation pour meurtre entraîne obligatoirement une peine d’emprisonnement à vie", explique le cabinet.
La loi n’autorise donc en aucun cas une femme à tuer son mari à Hong Kong. L’adultère constitue en revanche un fondement légal qu’une partie peut invoquer – à certaines conditions évoquées ci-dessus – pour demander le divorce.