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"Leurre", "annonce ambiguë": la dissolution de la police des mœurs en Iran remise en question

Des passants dans les rues de Téhéran, en Iran, le 5 décembre 2022 - Atta KENARE / AFP
Des passants dans les rues de Téhéran, en Iran, le 5 décembre 2022 - Atta KENARE / AFP

Un simple effet d'annonce? Le procureur général iranien a annoncé samedi soir la dissolution de la police des moeurs, rapportée dimanche par l'agence de presse Isna. Cette déclaration ambiguë, selon certains experts, sonne cependant plutôt comme un moyen de diversion, alors que des mouvements de protestation contre Téhéran se poursuivent dans le pays, faisant plusieurs centaines de morts.

"La police des mœurs (..) a été abolie par ceux qui l'ont créée", a déclaré le procureur général Mohammad Jafar Montazeri.

L'annonce survient alors que les autorités ont fait part de leur volonté de réétudier la loi de 1983 portant sur le port du voile obligatoire en Iran et alors que des manifestations secouent le pays depuis la mort de Mahsa Amini, jeune Kurde morte après avoir été arrêtées par la police des mœurs. Cette dernière lui reprochait d'avoir enfreint le code vestimentaire strict de la République islamique.

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La police des mœurs, créée par le Conseil suprême de la Révolution culturelle sous le président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad, a commencé ses patrouilles en 2006 avec pour objectif de faire respecter le code vestimentaire strict iranien.

Des propos "ambigus"

Si l'annonce de la disparition de la police des mœurs peut donner l'impression que Téhéran fait une concession envers les manifestants, certains experts tempèrent.

La journaliste et ancienne correspondante en Iran, Sara Saidi, estime auprès de BFMTV.com que les propos du procureur général lors de l'annonce, faits dans le cadre d'une conférence religieuse, sont "ambigus" puisqu'il mentionne à la fois l'abolition de la police des mœurs, mais affirme aussi qu'un contrôle comportemental sera toujours possible.

L'historien Jonathan Piron va même plus loin. Selon lui, Mohammad Jafar Montazeri n'a fait aucune annonce concernant la police des mœurs. Il s'agit d'une "mauvaise interprétation d'une déclaration" du procureur général, nous indique-t-il.

Le procureur iranien n'aurait fait qu'évoquer le fait que "la police des mœurs est moins présente dans les rues depuis les manifestations", mais n'aurait pas annoncé sa dissolution, avance le chercheur associé à Etopia, Centre d’animation et de recherche en écologie politique.

Un "leurre"?

Les deux spécialistes de l'Iran rappellent par ailleurs que le fait que l'annonce de cette dissolution soit faite par le procureur général d'Iran semble surprenant.

"La police des mœurs ne relève pas de ses compétences", souligne Jonathan Piron. L'unité dépend en effet du gouvernement et non du pouvoir judiciaire, qui n'est pas en capacité de décider de sa suppression.

Par ailleurs, l'annonce n'a ensuite pas été confirmée par les autorités politiques iraniennes. Un flou règne donc sur les suites à attendre de cette annonce.

Cette déclaration n'est en réalité qu'un "leurre", tranche Sara Saidi. Pour la journaliste, la fin hypothétique de la police des mœurs n'aurait pas de conséquence sur la vie des Iraniens, le programme pouvant être transféré à un autre service.

"Le port du voile reste obligatoire", rappelle aussi Jonathan Piron.

Un message de "diversion" en direction de l'Occident

Pourquoi alors de tels propos? Selon l'ancienne correspondante en Iran, il ne s'agit en aucun cas d'un geste en direction des manifestants dans le pays. "C'est pour faire diversion", assure-t-elle.

La mesure, qu'elle soit effective ou non dans le futur, est, selon elle, un message en direction des Occidentaux, alors que la colère ne faiblit pas dans le pays. "C'est une stratégie de manipulation pour dire 'on lâche du leste'", analyse-t-elle.

Les États-Unis se montrent d'ailleurs prudents. "Rien n'indique que les dirigeants iraniens améliorent la façon dont ils traitent les femmes et jeunes filles ou cessent la violence qu'ils infligent aux manifestants pacifiques", déclare ce lundi le porte-parole du ministère des Affaires étrangères à propos des "affirmations ambiguës ou vagues" de Téhéran.

Une annonce en décalage avec les demandes des manifestants

L'annonce n'a d'ailleurs pas suscité de grande réaction en Iran. Pour la journaliste, la déclaration survient à la fois "trop tard" et ne correspond plus aux demandes des manifestants pour qui le temps des réformes est fini et qui veulent des changements profonds de la société.

"Ils veulent une République iranienne et pas une République islamique", explique Sara Saidi, qui rappelle au passage que l'abolition de la police des mœurs n'a jamais été réclamée par les protestataires.

"Leurs revendications vont bien au-delà du port du voile, c'est l'idéologie (de la République islamique) qui est en jeu", estime-t-elle.

En attendant, elle estime qu'il n'y a "rien" à attendre de cette annonce, faite la veille d'un nouvel appel à des manifestations. Une grève générale de trois jours doit également débuter ce lundi en Iran.

Le Conseil suprême de la sécurité nationale a déclaré samedi que "plus de 200 personnes" ont été tuées en deux mois et demi de protestations. Les Gardiens de la Révolution, armée idéologique de l'Iran, parlent de plus de 300 morts.

Article original publié sur BFMTV.com