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La BoJ change le cadre de sa politique monétaire

par Leika Kihara et Stanley White

TOKYO (Reuters) - La Banque du Japon (BoJ) a annoncé mercredi l'adoption d'un objectif de taux à long terme, bouleversant ainsi le cadre de sa politique monétaire pour mettre l'accent davantage sur les taux d'intérêt que sur les rachats d'actifs, tout en réaffirmant son ambition d'atteindre le plus vite possible une inflation à 2%.

Au terme d'une réunion de politique monétaire étalée sur deux jours, la banque centrale a également dit qu'elle laisserait l'inflation filer au-delà de cet objectif à la faveur du maintien d'une politique monétaire ultra-accommodante, disant encore plus explicitement qu'auparavant qu'elle était encore très loin de toute mesure de durcissement.

La Banque du Japon a maintenu à -0,1% le taux des dépôts au jour le jour, qui s'applique à certaines réserves excédentaires détenues par des institutions financières auprès de ma banque centrale, et laissé son programme de rachats d'actifs inchangé.

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Ces annonces ont provoqué un bond de près de 2% de la Bourse de Tokyo et favorisé les actifs à risque partout dans le monde, notamment les valeurs financières qui profitent des mesures prises en faveur d'une pentification de la courbe des taux.

"Une courbe des rendements plus marquée va profiter au secteur financier et c'est pour cela que les valeurs de ce dernier sont en hausse et c'est aussi pour cela que le dollar monte face au yen", a dit Sim Moh Siong, chargé de la stratégie change chez Bank of Singapore. "Les mesures annoncés par la Banque du Japon n'ajoutent guère de stimuli dans le système".

La banque centrale a aussi abandonné son objectif de base monétaire, instaurant à la place un "contrôle de la courbe des taux", en vertu duquel elle achètera des obligations d'Etat à long terme pour maintenir les rendements à 10 ans à leur niveau actuel, proche de zéro.

Le rendement des obligations japonaises à 10 ans est remonté en territoire positif pour la première fois depuis la mi-mars en réaction à ces annonces.

SECTEUR FINANCIER RASSURÉ

"L'élément le plus important de la décision de la BoJ est que la banque a fixé un objectif pour les rendements à long terme. La banque centrale prend en considératon le secteur financier en tentant d'agir sur la courbe des taux", dit Atsushi Takeda, économiste à l'institut de recherche économique Itochu.

Mais sur le marché des changes, le dollar et l'euro, en forte hausse face au yen (JPY=) (EURJPY=) juste après ces annonces, ont vite réduit leurs gains et certains analystes doutent que la réaction positive des marchés soit durable.

"L'impression est que la BoJ commence à retirer une partie de ses troupes du front", dit Katsutoshi Inadome, chargé de la stratégie sur les marchés de taux chez Mitsubishi UFG Morgan Stanley Securities. "Les marchés pourraient commencer à tester l'engagement de la BoJ sur son objectif dans les mois à venir."

Le gouverneur de la Banque du Japon, Haruhiko Kuroda, s'est efforcé de rassurer les marchés, à la fois sur l'efficacité de ces mesures prises et sur la volonté de la banque de poursuivre sa politique ultra-accommodante, voire de la renforcer.

"Nous assouplirons davantage quand ce sera nécessaire. Nous pouvons abaisser les taux à court terme, abaisser l'objectif de taux à long terme, acheter davantage d'actifs ou, si les conditions l'exigent, accélérer le rythme de l'expansion de la base monétaire", a déclaré Haruhiko Kuroda.

"Avec le contrôle de la courbe des taux, nous pouvons obtenir des baisses des taux d'intérêts réels qui sont fortement souhaitables pour l'économie."

La Banque du Japon a par ailleurs dit qu'elle continuerait à racheter des emprunts d'Etat à échéance longue à un rythme de 80.000 milliards de yens par an (701 milliards d'euros).

Ce programme d'assouplissement quantitatif et qualitatif (QQE), mis en place depuis trois ans, n'a pas suffi à ce stade à faire remonter l'inflation vers son objectif, fixé à 2%.

La BoJ avait annoncé fin juillet qu'elle allait procéder à une évaluation approfondie de sa politique de taux négatifs et de son programme d'achats d'actifs, laissant entendre qu'elle envisageait de revoir ses priorités.

La politique dite d'"assouplissement quantitatif et qualitatif" ou QQE pilotée depuis 2013 par le gouverneur de l'institution, Haruhiko Kuroda, était censée sortir le Japon de la stagnation et en finir avec les anticipations déflationnistes qui pèsent sur la consommation et l'investissement. Mais elle n'a pour l'instant pas donné satisfaction.

De son côté, le ministre de l'Economie, Nobuteru Ishihara, a salué mercredi l'engagement de la BoJ à atteindre son objectif de 2% d'inflation.

(Leika Kihara, Stanley White, Tetsushi Kajimoto et Minami Funakoshi; Julie Carriat, Benoît Van Overstraetene Juliette Rouillon pour le service français)