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L’Inde va-t-elle devancer la Chine dans les dix prochaines années ?

Nathan Jaye, CFA

Cet article est initialement paru sur le blog Enterprising Investor du CFA Institute. Vous pouvez suivre le CFA Institute sur Tumblr et Twitter.

Depuis que le premier ministre Narendra Modi a pris ses fonctions, en mai 2014, les attentes sont élevées mais que se passe-t-il vraiment en Inde ? Punita Kumar-Sinha, CFA, le sait très bien. La fondatrice et codirectrice de Pacific Paradigm Advisors, ancienne présidente de Blackstone Asia Advisors, investit depuis plus de 25 ans en Inde et sur les marchés émergents. Outre ses postes à la direction de grandes entreprises indiennes, Punita Kumar-Sinha anime aussi une émission de télévision sur les investissements, sur l’une des plus importantes chaînes d’actualité économique en Inde (ET Now).

Au cours d’une longue discussion détaillée avec le CFA Institute Magazine, Punita Kumar-Sinha explique pourquoi elle s’attend à ce que l’Inde prenne la Chine de vitesse dans les dix prochaines années. Elle aborde les progrès des réformes économiques et financières lancées par le nouveau gouvernement indien, son point de vue sur l’investissement en Inde et les défis auxquels les femmes doivent faire face dans le monde de l’investissement.

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La croissance de l’économie indienne est-elle rapide ?

Je pense que cette année, ou en 2016, l’Inde va dépasser la Chine en terme de croissance du PIB réel. Pendant les dix dernières années environ, la croissance de la Chine tournait à peu près autour de 9,9 %, suivie de l’Inde avec 7 à 7,4 %. Mais je pense que la Chine est en train de ralentir et que la croissance de l’Inde est en train d’accélérer. L’Inde connaîtra probablement la croissance la plus rapide des grandes économies asiatiques au cours de la prochaine décennie. Incontestablement, l’Inde a tous les éléments nécessaires pour surpasser la croissance chinoise en 2015 ou 2016.

Un autre avantage lié à une croissance et à des bénéfices en hausse va être l'augmentation des dépenses pour « la responsabilité sociétale des entreprises », puisque l’Inde est l’un des rares pays où il est obligatoire que 2 % des profits des entreprises soient dépensés sur des projets RSE. Ces projets RSE donnent déjà des résultats dans le cadre de plusieurs dispositifs innovants de réduction de la pauvreté et ils pourraient engendrer une croissance plus généralisée que par le passé.

Quel est l’impact des problèmes politiques indiens sur les marchés boursiers ?

Lorsque le nouveau gouvernement Modi est arrivé au pouvoir en 2014, on espérait vraiment que les choses changeraient très rapidement. Mais les problèmes indiens sont profondément enracinés, personne ne peut donc les régler du jour au lendemain et il faut être patient.

À long terme, je pense que l’on répondra aux attentes, et que l’on ira même au-delà, j’espère, car le gouvernement s’implique beaucoup pour agir au mieux économiquement. Ils prennent de nombreuses initiatives politiques qui passent peut-être un peu inaperçues. Certaines d’entre elles ont un impact qui ne sera pas ressenti dans l’immédiat mais à moyen terme.

L’une de ces initiatives est en train de restructurer tout le secteur bancaire public. Le système bancaire, surtout dans les banques qui sont la propriété du gouvernement, a beaucoup de mauvais emprunts. Alors le gouvernement met en place son Bank Board Bureau et permet de nommer des directeurs professionnels afin de gérer les banques comme des entreprises, au lieu d’une gestion par le gouvernement lui-même. On peut espérer que cela apporte des solutions à de nombreux problèmes que connaît le secteur bancaire.

Le fonds d’investissement national pour les infrastructures est une autre initiative. Le gouvernement va consacrer environ 3 milliards de dollars par an et lever des fonds du secteur privé, au niveau national et mondial, pour investir dans l’infrastructure. Nous pourrions donc voir des sommes significatives injectées dans l’infrastructure.

Une troisième initiative est la vente aux enchères des ressources nationales de façon transparente. Le gouvernement a mis aux enchères ses ressources en charbon et en télécommunication. Ceci offre des liquidités au gouvernement et devrait probablement augmenter la transparence pour les entreprises qui investissent dans ces secteurs. On peut espérer que le secteur de l’énergie, qui a connu de nombreux problèmes, va désormais commencer à voir plus d’investissements car les accords d’approvisionnement en carburant sont enfin scellés et on est en train de construire d’importantes lignes de transmission pour être sûrs que le réseau national soit opérationnel.

Il y a beaucoup, beaucoup d’initiatives similaires. Une autre consiste à mettre en œuvre un impôt unique sur les biens et les services ( Goods and Services Tax), dans tout le pays. Cela est prévu pour 2016 et devrait aider à rationaliser beaucoup de problèmes de fiscalité indirecte pour les producteurs. D’une façon générale, le gouvernement s’est engagé à faciliter les affaires en Inde. Je pense que toutes ces mesures de réformes vont certainement stimuler l’économie et également améliorer les performances de l’économie.

De quelle façon sera-t-il plus facile de faire des affaires en Inde ?

L'« Ease of Doing Business » (la facilité de faire des affaires) est un classement créé par la Banque mondiale. Les pays sont classés de 1 à 189. En 2014, l’Inde était classée 142ème sur 189. Concrètement, cela signifie que lorsque de nouvelles entreprises étrangères viennent en Inde ou que des entreprises ouvrent en Inde, il y a tellement de démarches administratives que cela prend un temps considérable.

Le nouveau gouvernement tente vraiment d'améliorer le classement de l’Inde en réduisant la bureaucratie et en proposant un guichet unique pour les projets (au lieu de se déplacer à travers de nombreux organismes différents). Par exemple, en avril dernier, de nombreux services du gouvernement pour les entrepreneurs sont devenus accessibles en ligne. Le gouvernement a récemment lancé le portail G2B eBiz, avec pour objectif d’éliminer les procédures inutiles et d’intégrer l’utilisation de la technologie. À long terme, plusieurs services essentiels du gouvernement seront intégrés à la plate-forme eBiz.

De nombreux efforts sont déployés dans le cadre de la « facilité de faire des affaires » et, d'après le premier ministre, l’Inde devrait être dans le top 50. Le gouvernement veut développer le secteur manufacturier en Inde donc il doit vraiment améliorer son classement sur « la facilité de faire des affaires ». Lorsque le premier ministre Modi était le ministre en chef de l’état du Gujarat, il a attiré de nombreux investissements là-bas. Maintenant, il essaie de reproduire ce succès au niveau national.

À votre avis, comment les entreprises indiennes sont-elles cotées ?

Avec une perspective à très court terme, vu que la croissance des profits n’a pas encore repris et a peut-être été décevante dans certains cas, on peut dire que les évaluations sont plutôt justes. Si vous vous placez dans une perspective à long terme, je pense que les profits vont immanquablement augmenter dans la prochaine ou les deux prochaines années (des points de données positifs sont déjà en train d’apparaître). Donc, avec cette perspective à long terme, le marché indien est toujours attractif.

Comment les investisseurs étrangers peuvent-ils avoir le meilleur accès aux marchés indiens ?

Les investisseurs institutionnels peuvent investir directement dans le marché boursier en Inde en faisant une demande de permis auprès de l’autorité de régulation, ce qui n’est plus aussi fastidieux qu’auparavant. C’est la voie du Foreign Portfolio Investment (FPI) et c’est ce que la plupart des investisseurs préfèrent. Sinon, ils peuvent aussi investir dans les ADR mais cela ne concerne qu’une petite poignée d’entre eux. Pour y accéder, il vaut mieux obtenir l’autorisation d’investir de manière locale.

Également, tout le monde peut acheter des fonds communs indiens à l’extérieur de l’Inde. Concrètement, il y a de nombreux fonds communs disponibles aux États-Unis et à Londres via des entreprises internationales qui gèrent ces fonds pour les investisseurs dans ces pays.

À quel point le marché du capital-investissement est-il actif ?

Le marché du capital-investissement avec les fonds étrangers est beaucoup plus actif que les fonds nationaux indiens. La plupart du capital-investissement en Inde provient de fonds étrangers qui ont été investis en Inde en tant que part de leurs fonds internationaux.

Si vous observez le nombre de sociétés de fonds d’investissement privés qui investissent en Inde, presque tout le monde est là : Blackstone, KKR, TPG Capital, Carlyle et autres grands noms. Concernant le nombre de sociétés nationales indiennes qui sont dans le capital-investissement, cela se fait à une échelle beaucoup plus petite.

Où sont les secteurs attractifs en Inde ?

Le secteur des services financiers possède tous les ingrédients pour réussir en Inde, tout particulièrement une démographie très favorable : une vaste population de jeunes actifs qui vont avoir besoin de produits financiers sur le long terme. L’endettement des consommateurs en Inde est considérablement plus bas que dans les autres économies émergentes. Le marché du financement immobilier est en hausse. On s'attend à ce que le marché du financement à la consommation atteigne 1 200 milliards de dollars d’ici 2020. Historiquement, ce secteur connaît une croissance de 18 % (au taux de croissance annuel moyen).

Le taux de pénétration des services financiers en Inde est toujours faible en comparaison aux autres économies. Le gouvernement a lancé Jan Dhan Yojana, un programme d’intégration financière pour lequel quasiment tous les foyers en Inde ont désormais des comptes en banque disponibles. Près de 150 millions de nouveaux comptes en banque ont été créés l’année dernière et l’Inde a atteint un taux de pénétration bancaire de 95 %. Le gouvernement s’apprête à donner des subventions et des allocations directement sur les comptes en banque. Cela va créer, à long terme, beaucoup d’activité pour le secteur bancaire.

L’infrastructure est un autre thème. L’Inde est vraiment derrière les autres pays au niveau de ses infrastructures. Les chemins de fer, les routes et les secteurs de l’énergie sont des domaines qui vont connaître des investissements. Je pense que l’infrastructure, sur une longue période, sera un bon thème d’investissement mais c’est plus pour les investisseurs qui sont des investisseurs directs plutôt que pour les investisseurs en bourse.

Un autre domaine qui devrait être amené à réussir est l’économie numérique. Le nombre d’utilisateurs d’Internet en Inde a augmenté de façon plutôt spectaculaire, à plus de 300 millions d’utilisateurs, ce qui en fait le deuxième plus grand marché Internet (après la Chine). L’Inde développe un marché e-commerce à croissance rapide. Le secteur Internet en Inde verra plus d’innovations et d’activités grâce au capital-risque et au capital-investissement. Certains pensent que la taille du secteur de l’Internet pourrait atteindre 137 milliards de dollars d’ici 2020. Ainsi, la valorisation boursière des entreprises de l’Internet indien pourrait augmenter de façon significative.

Dans le secteur pharmaceutique et médical, encore une fois, nous avons une démographie intéressante : un taux de pénétration en augmentation pour l’assurance santé et un fort potentiel pour le tourisme médical. Des estimations indiquent que le secteur hospitalier pourrait croître de 11 % (au taux de croissance annuel moyen) donc à 82,5 milliards de dollars d’ici 2018. Le secteur pharmaceutique et médical en Inde est un très bon thème d’investissement et je pense qu’il continuera de l’être.

Est-ce que les BRIC sont toujours pertinents ? Et est-ce que l’Inde est le meilleur d’entre eux ?

Oui, je pense que l’Inde est le meilleur des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) dans une perspective à long terme. L’Inde dispose de l’une des meilleures démographies. Je pense que cela aide beaucoup. Je ne crois pas que « BRIC » soit réellement un concept d’investissement mais plutôt un concept économique.

D’un point de vue du marché boursier, je ne pense pas que les BRIC soient une catégorie d’actifs. Les marchés émergents sont une catégorie d’actifs. Vous pouvez l’observer avec le nombre d’actifs et de fonds qui sont liés à l'indice MSCI Emerging Markets. Il est considérablement plus important que le nombre d’actifs qui sont liés à n’importe quel type d’indice MSCI BRIC.

La Banque de réserve de l'Inde publie des billets basés sur l’or. Est-ce bien pertinent ?

Je pense que cela aide vraiment. L’Inde est l’un des plus gros importateurs d’or. Cela devrait contribuer à diminuer la dépendance aux importations. Ils essaient d’inciter les gens à acheter des obligations liées à l’or au lieu d’importer simplement de l’or.

Les Indiens adorent l’or. L’or est très important en Inde depuis des siècles. Concrètement, l’or est une importante classe d’actifs en Inde. Les gens investissent des sommes importantes de leur patrimoine dans l’or. Ils conservent de l’or dans leur maison ou dans un coffre-fort. Pour la plupart des gens, posséder de l’or se fait à travers des actifs durables, pas des actifs financiers. L’Inde détient environ 20 000 tonnes d’or dans le secteur privé et 2 500 tonnes d’or dans les principaux temples. Cet « or qui dort » peut être monétisé et aider le commerce et la balance courante de l’Inde.

Comment le taux d’épargne en Inde influence-t-il l’environnement de l’investissement ?

Traditionnellement, les Indiens épargnent bien. Je pense que les plus jeunes sont un peu plus tournés vers la consommation. Je ne serais pas surprise de voir le taux d’épargne décliner puisque les plus jeunes consomment davantage. Je pense que les actifs financiers deviennent plus essentiels qu’ils ne l’étaient par le passé, pour les portefeuilles. Par exemple, dans les zones urbaines de l'Inde, les placements et les produits d’assurance sont volontiers acceptés. Dans les zones rurales, [une telle acceptation] ce n’est pas autant le cas. Comme je l’ai dit précédemment, la majeure partie de l’Inde rurale détient des biens durables, comme l’or et la terre.

La majeure partie de la population ne place pas son argent dans des actions ni même dans des fonds à revenu fixe. En fait, cela concerne l’Inde rurale en grande partie, ils ne sont pas aussi familiarisés avec les avantages des placements.

Y a-t-il un potentiel pour un développement des placements en bourse ?

Certainement. La volatilité des marchés boursiers fait toujours peur à beaucoup de gens. Concrètement, je pense que les marchés boursiers indiens doivent être plus institutionnalisés pour que les petits investisseurs ruraux commencent à se sentir à l’aise avec eux en tant que catégorie d’actifs.

Pourquoi avez-vous choisi d’animer une émission de télévision ?

Je passais déjà assez souvent à la télévision à l’époque où j’étais présidente de Blackstone Asia Advisors. J’ai toujours voulu apporter plus de culture financière au marché Indien, en faisant une émission qui rassemble des perspectives globales et des implications politiques pour l’Inde. Concrètement, le but était d’élever le niveau du débat et d’offrir cela au public en Inde.

Comment comparez-vous l’animation d’une émission de télévision au fait d’être conseiller en placement ?

C’est drôle, au départ, quand j’ai commencé à présenter, je pensais que c’était beaucoup plus difficile que d’être invité. Quand vous posez des questions aux gens, vous avez envie d’y répondre vous-même !

Maintenant, je trouve que cela va de soi. Il y a un point commun avec le fait d’être gestionnaire de portefeuille : en tant que présentatrice et gestionnaire de portefeuille, mon travail est de poser des questions. En tant qu’investisseurs, nous posons des questions sur les entreprises et les gestionnaires avec lesquelles nous investissons. Nous les évaluons constamment. Je devais juste porter la même casquette. Et le rôle de présentatrice est devenu beaucoup plus facile. Je pose des questions difficiles à mes invités, comme je le ferais dans une salle de conférence ou lors d’un entretien individuel. La seule différence, c’est que dans un entretien, vous pouvez être beaucoup plus dans le dialogue. À l’écran, il faut être beaucoup plus concis.

Je suis dans une démarche très pratique. J’appelle les invités, je lis leurs travaux (s’ils ont écrit quelque chose, je lis leurs livres, leurs articles), et je m’implique à la rédaction. J’ai une meilleure compréhension du sujet traité parce que je travaille dans le secteur. C’est exactement ce que je veux apporter de différent à l’émission. Je suis une professionnelle et j’espère élever le niveau du débat.

Quel est l’avantage à être sur les marchés dans lesquels vous investissez ?

Quand j’ai commencé, il n’y avait pas beaucoup d’Indiens dans le secteur. Maintenant, il y a beaucoup d’Indiens dans le secteur de l’investissement. Je dirais qu’un grand nombre des fonds Indiens sont désormais gérés par des gens d’origine indienne. Je pense que c’est le cas, par exemple, des fonds en Chine ; c’est le cas des fonds au Japon et en règle générale, les gens qui ont des affinités ou qui sont associés à une région sont généralement en mesure de gérer ces fonds.

Cela s’explique en partie, surtout dans les marchés émergents (et je peux particulièrement en parler pour l’Inde) du fait que l'économie soit très axée sur les relations. Les gens sont très attachés aux relations. Ainsi, si vous êtes quelqu’un qui comprend cette culture, vous êtes mieux à même de construire ces relations. De nos jours, aux États-Unis, les entreprises ne font plus autant d’entretiens individuels. Mais en Asie et dans les marchés émergents, elles en font.

Si vous avez des affinités culturelles ou que vous comprenez la culture des autres, alors vous pouvez vraiment comprendre ce qui motive la croissance sous-jacente.

Avez-vous des exemples pour illustrer comment cela peut aider ?

Si vous comprenez le consommateur indien, vous savez quels types de produits il recherche. Cela vous permet de comprendre quelles entreprises ont un meilleur positionnement.

En Inde, par exemple, il y a ce concept de paisa vasool qui signifie principalement que les consommateurs indiens sont très sensibles au coût. Ils ne vont pas beaucoup dépenser. Ils préfèrent acheter des petits sachets plutôt que des gros paquets car les gens n’aiment pas gaspiller. Les entreprises qui parviennent à maîtriser l’art du marketing avec paisa vasool ont un meilleur positionnement.

Vous avez été l’un des premiers gestionnaires de portefeuille indiens à Boston en 1991. Pouvez-vous nous parler de cette expérience ?

Je pense que j’étais probablement la première professionnelle indienne, ou tout du moins l’une des premières, dans le secteur de la gestion de fonds à Boston. Je pense qu’il n’y avait même pas un homme indien à cette époque dans le secteur de la gestion de fonds à Boston. Je suis sûre qu’il y en avait à New York mais pas à Boston.

Quand j’allais à des réunions, je ne passais certainement pas inaperçue. Cela m’a aidé à créer mon propre rôle. J’ai eu l’opportunité de rencontrer de nombreuses personnes et les gens ont pu me connaître à cette époque.

Y avait-il également des défis à relever dans ce rôle ?

Oui, il y avait aussi des défis. Boston était une ville un peu provinciale à cette époque et parce que les entreprises dans lesquelles je travaillais n’étaient pas très diversifiées d’un point de vue ethnique, les gens se montraient très curieux à mon sujet et me posaient des questions à propos de l’Inde ; ils me demandaient même si les éléphants étaient toujours dans les rues ! Il y avait une certaine pression pour trouver sa place. C’était également difficile de s’intégrer socialement, particulièrement pour les rencontres entre collègues après le travail. J’ai même pris des cours pour être plus efficace au sujet de la culture américaine.

En regardant 25 ans en arrière, est-ce que beaucoup de choses ont changé ?

Les premières entreprises pour lesquelles je travaillais avaient une assez bonne parité homme femme. Elles n’avaient pas beaucoup de diversité ethnique. Aujourd’hui, cet aspect de la diversité a vraiment changé. Dans presque toutes les entreprises, il y a beaucoup d’Indiens et beaucoup d’asiatiques. À l’époque où j’ai commencé, il y avait très peu de sociétés qui investissaient en dehors des États-Unis. Même les obligations internationales étaient une sorte de nouvelle catégorie d’actifs.

Nous étions encore en train d’essayer de mettre les gens à l’aise avec l’idée de placer 5 à 10 % de leur portefeuille dans des obligations internationales, sans même parler des marchés émergents. Désormais ces classes d’actifs se sont réellement développées. Par conséquent, vous avez beaucoup plus de personnes de différentes origines ethniques qui travaillent dans ces équipes. La parité s’est peut-être aussi améliorée mais déjà, à mes débuts, je la trouvais plutôt satisfaisante.

Avez-vous des conseils pour les femmes qui se lancent dans l’investissement ?

Je pense que c’est sans doute beaucoup plus facile aujourd’hui. Beaucoup plus de femmes sortent d’écoles de commerce et donc de nombreuses entreprises recrutent des femmes. Il y a beaucoup plus de femmes à recruter aujourd’hui. Et puis, elles sont beaucoup plus nombreuses à se lancer dans la gestion d’investissements.

Je dirais que la gestion d’investissements est considérablement mieux reconnue, plus vaste et plus étendue depuis ces 25 dernières années. Je pense que c’est un excellent secteur pour les femmes car il offre un assez bon équilibre entre travail et vie privée, en comparaison à d’autres secteurs. Et parce que les résultats sont facilement mesurables, on peut évaluer très objectivement la performance individuelle.

Lorsqu’on est une femme, qu’est-ce qui est délicat dans le secteur de l’investissement ?

J’ai trouvé que c’était délicat du côté du marketing. Pour faire du bon marketing, vous devez construire des relations avec les gens. C’est un peu plus difficile en tant que femme de construire ces relations avec vos investisseurs.

Je vais vous expliquer pourquoi. Les gens confient généralement leur argent aux personnes en qui ils ont confiance. La confiance ne se construit pas en une ou deux réunions. La confiance prend du temps. Une grande partie de cette confiance provient des personnes que vous rencontrez de façon informelle, en dehors du travail. Par exemple, les gens sont amis sur le terrain de golf, pratiquent un sport ensemble ; ils ont étudié ensemble ou ils ont partagé la même chambre. Ce type de relations est relativement important quand vous faites du marketing. Ce genre de réseau n’est pas si facile à développer pour les femmes, surtout lorsque vous avez grandi dans un autre pays ou dans une autre culture. Faire des levées de fonds efficaces est alors plus difficile. Je pense que c’est sur ce point que les femmes ressentent des difficultés.

Quelle était votre porte d’entrée ? Comment faisiez-vous pour rencontrer des gens ?

Je ne faisais pas de rencontres ou disons, pas beaucoup. C’est pourquoi j’ai dit que mes homologues masculins (la plupart de mes homologues masculins qui ont grandi aux États-Unis) avaient de toute évidence beaucoup plus de facilité et des réseaux plus étendus, et ils s’en sortaient probablement bien mieux que moi en terme de marketing.

Nathan Jaye, CFA, est conférencier spécialisé dans l’intelligence et membre de la CFA Society de San Francisco. Cet article a été initialement publié dans l’édition de juillet/août 2015 du CFA Institute Magazine.