Publicité
La bourse est fermée
  • CAC 40

    8 205,81
    +1,00 (+0,01 %)
     
  • Euro Stoxx 50

    5 083,42
    +1,68 (+0,03 %)
     
  • Dow Jones

    39 807,37
    +47,29 (+0,12 %)
     
  • EUR/USD

    1,0801
    +0,0008 (+0,08 %)
     
  • Gold future

    2 254,80
    +16,40 (+0,73 %)
     
  • Bitcoin EUR

    64 904,76
    -642,50 (-0,98 %)
     
  • CMC Crypto 200

    885,54
    0,00 (0,00 %)
     
  • Pétrole WTI

    83,11
    -0,06 (-0,07 %)
     
  • DAX

    18 492,49
    +15,40 (+0,08 %)
     
  • FTSE 100

    7 952,62
    +20,64 (+0,26 %)
     
  • Nasdaq

    16 379,46
    -20,06 (-0,12 %)
     
  • S&P 500

    5 254,35
    +5,86 (+0,11 %)
     
  • Nikkei 225

    40 369,44
    +201,37 (+0,50 %)
     
  • HANG SENG

    16 541,42
    +148,58 (+0,91 %)
     
  • GBP/USD

    1,2634
    +0,0012 (+0,09 %)
     

Un gynécologue de l'hôpital Tenon accusé de violences: les témoignages affluent

(Photo: BSIP/UIG via Getty Images)
(Photo: BSIP/UIG via Getty Images)

VIOLENCES OBSTÉTRICALES - Alexandrine D. est sortie de la consultation en pleurs, traumatisée. Pendant les quatre années suivantes, elle n’ira plus consulter aucun gynécologue. Pendant l’année qui suit, elle n’aura plus aucun rapport sexuel.

En mai 2017, elle attend avec impatience de rencontrer le professeur Emile Daraï pour avoir un deuxième avis sur son état de santé après plusieurs examens contradictoires sur la présence ou non de lésions liées à une potentielle endométriose. Il s’agit d’un des grands noms de la gynécologie en France, un gynécologue chirurgien et grand spécialiste de cette maladie qui exerce à l’hôpital Tenon, dans le XXe arrondissement de Paris.

“Vous connaissez l’étymologie du mot orgasme?”

Depuis la mi-septembre 2021, des patientes et des étudiants en médecine prennent la parole pour dénoncer les violences qu’elles ont subies ou dont ils ont été témoins de la part du professeur Emile Daraï. Deux médias, Flush Magazine et FranceInfo, le 23 septembre ont, les premiers, récolté et publié des témoignages accablants dont la lecture est parfois même à la limite de l’insoutenable. Une enquête interne de l’AP-HP a été ouverte sur le sujet suite à ces révélations. Ce n’est pourtant pas la première fois que des femmes tentent d’alerter sur le sujet.

Retour en 2017. “Vous connaissez l’étymologie du mot orgasme?”, lance le professeur à deux internes et une consœur qui assistent à la consultation alors qu’il interroge Alexandrine D. sur des douleurs pendant les rapports sexuels. Ricanements. Ils sortent tous leurs smartphones pour chercher la réponse à la question. “Pourquoi riaient-ils?, se demande encore Alexandrine D. interrogée par Le HuffPost. Quel était le rapport avec moi? Je n’avais, en plus, aucune idée de qui étaient ces trois personnes qui ne s’étaient pas présentées au début de la consultation.” Les “ricanements et messes basses” continueront pendant le reste de la consultation.

PUBLICITÉ

Puis, vient l’heure de l’auscultation. À aucun moment, dit Alexandrine D., elle n’est invitée à donner son consentement. Une interne et le professeur feront au total deux touchers vaginaux et un rectal. “J’ai eu très mal, j’étais très tendue. Pour le toucher rectal, je n’ai même pas eu le temps de me préparer que le professeur le faisait. Je lui ai dit que j’avais mal, je lui ai demandé d’arrêter, il a continué”, raconte-t-elle. Des faits similaires de touchers vaginaux et rectaux violents apparaissent également dans des témoignages recueillis par Franceinfo ou Europe 1.

Le médiateur de l’hôpital contacté en 2018

L’auscultation d’Alexandrine D. n’a pas démontré la présence de lésions due à une endométriose, le reste de la consultation est expédié. “J’avais l’impression d’être face à quelqu’un sans affect, je n’étais qu’un numéro”.

En sortant, une amie l’attend, elle s’effondre. “Je ne suis qu’une merde”, lui dit-elle, “humiliée”. Elle se confie sur un groupe Facebook lié à l’endométriose. Dans la centaine de commentaires, si certaines disent avoir été “sauvées” par le professeur Daraï qui les a opérées, d’autres se reconnaissent dans le témoignage d’Alexandrine D..

Sur ce groupe, une jeune femme très engagée dans une meilleure connaissance et reconnaissance de l’endométriose, Marie Rose Galès, se rapproche d’Alexandrine D.. Autrice de trois livres sur l’endométriose, cette “patiente experte” intervient très régulièrement dans les médias et lors de conférences sur la maladie. À force de côtoyer associations et patientes, elle a déjà entendu parler du professeur Daraï. En mal. Elle a bien essayé d’alerter les associations mais ses mises en garde seraient restées lettre morte.

Elle parvient à convaincre Alexandrine D. et deux autres patientes de contacter le médiateur de l’hôpital Tenon. Le HuffPost a pu consulter le courrier envoyé par Alexandrine D. le 18 septembre 2018 et les réponses qui ont suivi. Le 9 octobre de la directrice de l’hôpital Tenon, Marie Pierre Ferec, accuse réception de ce courrier. Dix jours plus tard, Alexandrine D. reçoit une nouvelle réponse écrite de la directrice, accompagnée d’un courrier du professeur Daraï.

Dans ce dernier, le professeur conteste formellement tous les faits reprochés. Les personnes présentes dans la consultation se sont toutes présentées, personne n’a ri, le consentement de la patiente a été demandé à chaque fois que nécessaire. Il se défend aussi sur son diagnostic et les traitements prescrits et termine ce courrier en précisant, “je ne peux faire de commentaires sur le perçu de votre consultation”.

“Stop viols gynécologiques”

Alors Alexandrine D. en est restée là. “En lisant sa réponse, j’étais très dépitée. Je n’ai plus voulu en entendre parler. Cela m’a fait beaucoup de mal de voir qu’il récusait tout ce que je disais. Je me suis dit ’attends Alex en fait, tout ça, c’est dans ta tête’”. Après avoir lu d’autres récits de patientes, Alexandrine D. est depuis rassurée. Et depuis ce mois de septembre, elle réfléchit à la suite qu’elle pourrait donner à cette affaire.

Après avoir accompagné ces patientes, Marie-Rose Galès a continué à recevoir des témoignages de patientes. “J’en ai un classeur entier”, explique-t-elle. Mais l’histoire a pris un nouveau tournant quand le Collectif Stop aux Violences Obstétricales et Gynécologiques la contacte en 2021 après avoir reçu plusieurs témoignages contre ce professeur de l’hôpital Tenon, notamment d’étudiants en médecine. Cette fois-ci, les médias relaient les témoignages et interrogent l’hôpital. Cette fois-ci, la caisse de résonance est plus importante.

Dans la nuit de mercredi 23 septembre à jeudi 24, des collages, “Stop viols gynécologiques”, sont réalisés près de l’hôpital Tenon.

Dans la soirée du 23, le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) s’est même réuni. Emile Daraï est bien connu dans cette instance, il en fut le Secrétaire général en 2006.

À l’issue de cette réunion, une déclaration prudente est publiée. “Le bureau du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) a pris connaissance avec consternation de ces informations. Nous avons bien entendu la parole de ces femmes. Nous tenons à rappeler l’engagement absolu du Collège pour la bientraitance qui doit être constante dans toutes les relations médecins - malades et plus encore en gynécologie-obstétrique. Nous demandons à laisser l’enquête interne AP-HP Sorbonne suivre son cours avant toute interprétation/prise de position/jugement.” Interrogé par Le HuffPost, le Collège dit ne pas vouloir aller plus loin que cette déclaration.

L’hôpital Tenon, contacté par Le HuffPost ce 24 septembre, dit prendre “ces accusations très au sérieux.” L’enquête interne a été ouverte le 20 septembre après avoir “pris connaissance de témoignages anonymes, circulant sur les réseaux sociaux”. La direction des relations avec les usagers de l’hôpital a par ailleurs recensé quelques réclamations “au cours des dernières années”.

Malgré plusieurs tentatives, Le HuffPost n’a pas pu joindre le Pr Emile Daraï. L’hôpital fait savoir qu’il “conteste les faits dont on l’accuse et récuse des propos qu’il juge diffamatoires”. Il fait savoir qu’il “s’en remet à l’enquête interne”.

A voir également sur Le HuffPost: Énora Malagré nous raconte le jour où l’endométriose lui a gâché son festival de Cannes

Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

LIRE AUSSI