"Des femmes n’osent plus sortir de chez elles en Afghanistan"
La prise éclair de Kaboul a stupéfié le monde. Chassés en 2001, les talibans attendaient leur heure. Une partie de la population, désespérée, tente l’exil. L’autre se prépare à subir de nouveau le joug de la charia. Grand reporter, Manon Quérouil-Bruneel nous explique pourquoi le pouvoir central afghan a cédé si vite.
Paris Match. Dans quel état se trouvait l’Afghanistan avant le retour des islamistes radicaux à la tête du pays ?
Manon Quérouil-Bruneel . Il y avait une vraie fracture entre les centres urbains et les campagnes. Il s’agit d’un pays, dans son immense majorité, avec de grandes zones rurales. L’Afghanistan n’est pas uniquement représenté par les classes moyennes éduquées de Kaboul, où le retour en arrière sera très violent. Leur arrivée annihile tout espoir de changement dans d’autres provinces. Des femmes n’osent plus sortir de chez elles et vivent un cauchemar éveillé. Les talibans sont partout. Ils ont mis leur drapeau sur les postes de police, les casernes de l’armée, ils contrôlent tout.
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Comment expliquer une telle débâcle ?
Il y a plusieurs facteurs. Tout d’abord, je crois qu’aucun observateur n’avait prévu un effondrement aussi rapide. Nous pouvons le voir avec l’évacuation en catastrophe du personnel américain, français… Les prévisions disaient que Kaboul pourrait tenir trois mois. Sans oublier les histoires de corruption. Les Afghans déclaraient aux Américains - qui donnaient de l’argent pour soutenir l’armée régulière - des bataillons fantômes. Puis, il y a surtout un vrai problème de déliquescence du gouvernement central. Les soldats mal équipés, avec des problèmes d’approvisionnement de missions et de nourriture, voyaient les capitales provinciales tomber les unes après les autres sans aucune aide supplémentaire. L’aviation américaine n’a pas bombardé les positions comme nous l’attendions. Et pendant ce temps-là, à Kaboul, cela faisait déjà plusieurs jours que le régime préparait sa fuite. Comment attendre des soldats(...)