Etats-Unis: la baisse contrôlée de l'inflation peut vite déraper
EDITORIAL - Fed, FMI... Les grandes instances estiment que les Etats-Unis peuvent échapper à la récession, tout en voyant l'inflation se réduire. Le prix Nobel d'économie 2008 Paul Krugman alerte toutefois sur les risques qui pèsent notamment sur l'emploi.
En août 1982, je m'installais à Washington pour travailler pendant un an au sein du Council of Economic Advisers de la Maison-Blanche. Le patron de cet organisme, Martin Feldstein - un républicain modéré comme on n'en voit plus guère aujourd'hui -, avait besoin d'aide pour mouliner les données. Je me concentrais plus particulièrement sur les questions internationales; quant à l'économie américaine, elle avait été confiée à Larry Summers.
Le soir de mon arrivée, on m'a convié à un dîner de travail, où l'on m'a posé une question simple: "L'économie mondiale est-elle sur le point de s'effondrer?" Le Mexique venait tout juste d'annoncer qu'il était incapable de continuer à rembourser ses dettes et les efforts de la Réserve fédérale (Fed) pour lutter contre l'inflation avaient poussé l'économie américaine dans un précipice. La récession que subissait le pays était la pire depuis les années 1930, et ne sera égalée que par la crise financière de 2008.
Mais finalement, l'économie mondiale ne s'est pas effondrée. La crise de la dette a entraîné une "décennie perdue" en Amérique latine, mais n'a pas provoqué de contagion générale. Et le virage à 180 degrés de la Fed a déclenché une reprise rapide; en 1984, Ronald Reagan pouvait clamer qu'un "jour nouveau" s'ouvrait aux Etats-Unis.
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Le spectre d'un chômage plus élevé
Le souvenir de cet été-là suscite pourtant en moi une certaine nervosité quand je vois l'optimisme économique qui semble se propager à nouveau. On entend partout annoncer un "atterrissage en douceur", autrement dit une baisse progressive de l'inflation jusqu'à un niveau acceptable, sans passer par une récession. Il y a deux raisons pour lesquelles l'expérience du début des années 1980 devrait nous inciter à la prudence.
Tout d'abord, juguler l'inflation dans ces années-là a été extrêmement douloureux. Son rythme a effectivement diminué, passant de 10% aux environs de 4%. Mai[...]