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D'hypothèse lointaine à nécessité, comment le gouvernement s'est résigné au reconfinement

Le ministre de la Santé Olivier Véran et le Premier ministre Jean Castex le 22 octobre 2020. - Ludovic Marin / Pool
Le ministre de la Santé Olivier Véran et le Premier ministre Jean Castex le 22 octobre 2020. - Ludovic Marin / Pool

"Le risque zéro n'existe jamais dans une société." Lorsqu'il prononce cette phrase, parue dans les colonnes de Paris Match le 20 août, Emmanuel Macron pressent-il ce qui viendra deux mois plus tard? Depuis le déconfinement entamé le 11 mai, le chef de l'État et son gouvernement ont tout fait pour conjurer le risque d'un retour à la situation que la France a connu durant le printemps. Celle d'un arrêt total des rouages du pays, aux conséquences mortifères pour son économie.

Désormais, au vu de l'aggravation incontrôlée de l'épidémie de Covid-19, au-delà des présages de bon nombre d'experts, nous y sommes. Et ce, après des mois durant lesquels Emmanuel Macron comme Jean Castex - "M. Déconfinement" bientôt devenu "M. Reconfinement" malgré lui - ont répété que cette mise à l'arrêt n'était pas une option viable.

Avril-mai: l'exécutif joue la prudence

C'était presque une autre époque. Édouard Philippe était un Premier ministre en semi-sursis, poussé vers la sortie par une partie de l'entourage d'Emmanuel Macron. Le déconfinement avait une date, celle du 11 mai, et l'exécutif commençait à se projeter sur l'après, qui par définition ne pourrait ressembler à l'avant.

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Alors que le gouvernement s'attelle à préparer les Français à reprendre le cours de leurs vies, certains évoquent déjà l'idée que le pays est loin d'être tiré d'affaire. Le concept du reconfinement est dans tous les esprits, esquissé par petits traits dans les médias.

"Cela fait partie des hypothèses, notamment si des clusters se développent dans certains territoires", déclare ainsi Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement, le 23 avril dans Le Monde.

Lors d'un point presse à l'issue du Conseil des ministres du 13 mai, donc au surlendemain du déconfinement, la même Sibeth Ndiaye réitère. Elle rapporte qu'Emmanuel Macron a "invité le gouvernement à s'armer dans cette perspective" de reconfinement, "si la situation devait se dégrader". Une hypothèse jugée "possible mais incertaine".

Juin-juillet: "On ne pourra pas refaire un confinement"

Durant l'été, l'épidémie semble maîtrisée, les Français se laissent vivre. Peut-être un peu trop, dira-t-on plus tard. Difficile toutefois de le leur reprocher, dans la mesure où la communauté scientifique semble s'accorder à dire qu'une éventuelle deuxième vague ne ressemblerait pas à la première. Dans les colonnes du Parisien le 4 juin, le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy, écarte toute possibilité de reconfinement, même dans le pire des scénarios.

"Quoi qu'il arrive, on ne pourra pas refaire un confinement généralisé en France", affirme-t-il auprès du quotidien. "La première fois, il était indispensable, on n'avait pas le choix, mais le prix à payer est trop lourd."

De son côté, Emmanuel Macron tente de ne pas se montrer aussi catégorique. Dans une interview accordée à la presse locale le 2 juillet, le président de la République est interrogé sur la possibilité d'un reconfinement. "Il ne faut rien exclure", déclare-t-il alors.

"L’objectif est de tout faire pour éviter" le reconfinement, explique le chef de l'État. "Quant à savoir s’il faut s’attendre à une réaccélération de la circulation du virus, je ne sais pas. Nous ne savons pas tout, mais nous nous préparons à tout".

Malgré toutes les précautions de langage, il apparaît de manière évidente que le gouvernement écarte toute éventuelle redite du confinement printanier. Le même jour que la parution de l'interview présidentielle, Olivier Véran déclare sur RTL être en train de préparer "un plan en cas de rebond de l'épidémie, de manière à éviter à tout prix de revenir à une solution de confinement généralisé".

Le 8 juillet sur BFMTV, le nouveau Premier ministre, Jean Castex, affirme qu'un "plan de reconfinement ciblé est prêt", mais qu'il n'y aura pas "un confinement comme au mois de mars en cas de deuxième vague". Comprendre: pas de reconfinement à l'échelle nationale, mais des territoires où le virus circule fortement.

Août: "On fait tout pour éviter le reconfinement"

Après l'interview accordée par Emmanuel Macron à Paris-Match, l'exécutif s'échine à instiller davantage de gravité dans sa communication sur le Covid-19. Le 27 août, lors d'une conférence de presse, Jean Castex annonce que le taux d'incidence du virus en France commence à grimper de façon inquiétante. "Ce n’est pas une explosion, mais c’est une tendance", dit-il au sujet du nombre de patients Covid admis par semaine à l'hôpital.

"Septembre c’est le mois de la reprise. Nous voulons qu’elle soit la plus large possible, dans un cadre sécurisé. Il est évidemment de notre devoir d’anticiper et de prévoir toutes les hypothèses. Des plans de reconfinement, territoriaux ou globaux, avec des mesures plus lourdes, sont prêts sous l’égide du ministère de la Santé", développe le Premier ministre.

Le surlendemain, devant la presse présidentielle, Emmanuel Macron distille les mises en garde. Notamment sur le reconfinement, qu'il fut ciblé ou national. Le locataire de l'Elysée ne ferme pas totalement la porte.

"On fait tout pour éviter le reconfinement", rassure-t-il le 29 août auprès du Parisien, mais "rien ne peut être en théorie exclu".

Au fil des questions, le président de la République révèle un peu plus son jeu. Si l'épidémie reprend de façon très violente, au point de saturer à nouveau le système hospitalier, "des cas de reconfinement nationalisé ou régionalisé" pourraient être validés, finit par admettre Emmanuel Macron.

Septembre: "Nous ne voulons pas confiner le pays"

Le temps passe, la rentrée scolaire se déroule relativement bien, mais les chiffres inquiètent. L'exécutif voit poindre un rebond de l'épidémie. Reste à en déterminer l'ampleur. Quand bien même, il continue de se montrer défavorable à un reconfinement. Invité de Ruth Elkrief, le rendez-vous le 5 septembre, le ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran, qui appelle les Français à la plus grande prudence, se montre catégorique sur ce sujet spécifique.

"Je ne peux pas envisager un reconfinement général, et d'ailleurs le président de la République ne souhaite pas envisager un reconfinement général, et je pense qu'il a raison. Le confinement était un couvercle sur une marmite qui débordait. Aujourd'hui nous avons d'autres moyens de lutter contre la diffusion du virus et puis surtout, nous sommes capables de le surveiller."

Après l'annonce de la fermeture - très contestée - des bars et restaurants à Marseille, Jean Castex fait sa première grande "télé". Invité de Vous avez la parole sur France 2 le 24 septembre, le chef du gouvernement évoque pour la première fois la possibilité d'un reconfinement similaire à celui du printemps. "Ce que je ne veux pas, c'est qu'on revienne au mois de mars", insiste alors le successeur d'Édouard Philippe.

"L’opinion doit être très attentive et prudente. Si nous n’agissons pas, on pourrait se retrouver dans une situation proche de celle du printemps. Ça pourrait vouloir dire reconfinement, et il faut l’éviter", prévient le Premier ministre.

Le 27 septembre, au Grand Jury RTL/Le Figaro/LCI, Olivier Véran va pourtant jusqu'à récuser le terme "deuxième vague", affirmant que les hôpitaux n'étaient en rien saturés comme au mois de mars. "Nous ne voulons pas confiner le pays, nous ne voulons pas confiner", insiste même le ministre de la Santé, sans pour autant exclure des mesures localisées, notamment à Aix-Marseille.

"Nous ne voulons pas arrêter totalement la vie économique, sociale, culturelle et sportive des Français", assure-t-il.

• Début octobre: "Je ne crois pas que nous ayons besoin de reconfiner"

Le retour de l'épidémie devient manifeste. À mesure que les taux d'incidence et de positivité au virus augmentent, les hôpitaux sont à nouveau confrontés à une surcharge. Au point, de plus en plus, de devoir déprogrammer des interventions sur des "patients non-Covid". Les mesures de restriction se multiplient et le gouvernement tente de serrer la vis. Invité de Face à BFM le 8 octobre, Olivier Véran continue toutefois d'exclure l'option du reconfinement.

"Je ne crois pas du tout que nous ayons besoin de reconfiner le pays et je ne le souhaite absolument pas", affirme-t-il, tout en admettant prendre "un risque quand on fait des projections avec une épidémie comme celle-ci".

Le ministre des Solidarités et de la Santé ajoute qu'il est inquiet de la situation "depuis le mois d'août". Mais il insiste, l'exécutif ne veut "pas un confinement généralisé". Une note interne révélée par Le Canard enchaîné cette semaine-là évoque la possibilité de confinements locaux, dans les zones à risque. Invité de France Info le 12 octobre, Jean Castex prévient que "des mesures supplémentaires" pourraient être prises en fonction de l'épidémie.

Le Premier ministre réaffirme alors que le "reconfinement général doit être par tout moyen évité" mais que "rien ne doit être exclu", y compris des reconfinements locaux.

• Fin octobre: de l'hypothèse à l'alternative

Sur BFMTV le 16 octobre, le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, déclare préférer prendre ce qu'il qualifie de "mesures fortes", à savoir le couvre-feu (qui s'est donc avéré inopérant face au virus), plutôt que de devoir procéder à un reconfinement durant l'hiver au vu de la saturation des hôpitaux.

"Ce que nous devons éviter impérativement, (...) c'est le reconfinement général des Français, parce que c'aurait un impact social et psychologique considérable et un impact économique insupportable", prévient-il alors.

L'assassinat de Samuel Paty impose une sorte de trève au débat sur le Covid-19 et la manière d'affronter la deuxième vague de l'épidémie. Interrogé toutefois là-dessus le 22 octobre sur LCI, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal maintient qu'à "ce stade, il n'y a pas de reconfinement prévu du pays". C'est une phrase prononcée par Emmanuel Macron lui-même, lors de la visite d'un hôpital de Pontoise, dans le Val-d'Oise, qui va montrer que la cadence s'accélère.

Au micro d'Europe 1 le 24 octobre, le chef de l'État affirme que les mesures en vigueur (le couvre-feu notamment) "n'ont pas vocation à être réduites mais elles seront peut-être renforcées, soit en s'étendant géographiquement, soit en regardant aussi les lieux, les moments où l'épidémie se propage le plus vite pour réduire ces occasions". Et puis d'ajouter:

"Il est trop tôt pour dire si on va vers des reconfinements locaux ou plus larges."

En remplaçant ainsi une hypothèse par une alternative, Emmanuel Macron brise un tabou. Et ce, cinq mois et demi après avoir autorisé les Français - une première fois - à aller à plus d'un kilomètre de leur domicile.

Article original publié sur BFMTV.com