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"C'est un cauchemar": dans le Lot, un village tente de bloquer l'installation d'un groupe complotiste

L'entrée boisée du grand domaine de Domenac, qui croise la départementale D42 à Sénaillac-Lauzès. - Google Street View
L'entrée boisée du grand domaine de Domenac, qui croise la départementale D42 à Sénaillac-Lauzès. - Google Street View

Le petit village de Sénaillac-Lauzès, où vivent peine 130 habitants, va-t-il perdre sa tranquillité? Les habitants des alentours ne cachent pas leur inquiétude à l'idée qu'un groupuscule complotiste et antisystème n'investisse le domaine de Domenac, un territoire de 200 hectares situé dans cette région du Lot, pour y construire son "oasis".

Depuis le mois de septembre, deux figures d'un mouvement "hors système" - One Nation - tentent d'acquérir cet immense domaine rural d'une valeur de 800.000 euros dans l'espoir d'y développer "un laboratoire d’expérimentation libre pour incarner un nouveau paradigme".

Des "êtres humains émancipés" dans une "oasis"

Un projet nébuleux imaginé par un couple, Alice Pazalmar et Sylvain Charles, qui rejettent toute forme d'autorité - jugée "illégitime" - et revendiquent "la désobéissance créative". Leur mouvement se dit composé "d'avatars (êtres humains émancipés) qui vivent ou pas sur des oasis (territoires émancipés)."

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Alice Pazalmar "et ses adeptes considèrent qu’ils n’ont de comptes à rendre à personne et que s’il existe des lois auxquelles ils doivent se soumettre, celles-ci sont exclusivement 'naturelles'", résume l'historienne Valérie Igounet, directrice adjointe de Conspiracy Watch dans les colonnes du journal Le Monde.

Selon elle, "l'idéologie est dans la mouvance des 'êtres souverains', qui développent la croyance conspirationniste de la 'fraude du nom légal' et tendent à remettre en cause la réalité de l’Etat dans lequel ils vivent".

"Rien n'est gagné"

Pour essayer d'acheter le domaine, le couple a lancé une campagne de financement participatif afin de récolter les fonds nécessaires à l'achat du bien - une cagnotte en ligne depuis bloquée par la plateforme Helloasso.

Mais sur place, les élus comme les habitants disent non à l'installation d'un "groupuscule à dérives sectaires" - un qualificatif contesté par One Nation, qui assure que le mouvement "n'est pas et ne sera jamais une secte". Une pétition a été lancée il y a une semaine. Elle a été signée par plus de 1200 personnes, qui ne cachent pas leur colère dans les commentaires: "Sénaillac-Lauzès est un havre de paix qui doit le rester", écrit par exemple une signataire.

"J"habite dans le Lot depuis 40 ans, département magnifique et paisible. Protégeons-le!!", exhorte une autre. "Hors de question que ce mouvement lavage de cerveau s'installe sur nos terres", tonne encore un dernier signataire sur le site.

Ce mardi, nos confrères de La Dépêche du Midi rapportaient que la Safer (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural, un organisme agricole sous contrôle de l'État, NDLR) avait exercé son droit de préemption sur la partie agricole du domaine, et qu'elle cherchait des agriculteurs pour acquérir ce bien. La Safer de la région Occitanie, contactée mardi par BMTV.com, refuse d'en dire davantage, "la procédure de préemption étant en cours".

"Nous ne sommes pas vraiment soulagés", confie à BFMTV.com Christophe Bénac, le maire de Sénaillac-Lauzès, qui regrette de ne pas être tenu au courant des avancées du dossier. "Rien n'est gagné car ça ne concerne pour l'instant que les terres du domaine, et on ignore ce qu'il va advenir de la bâtisse, et on a peur que le couple puisse toujours mettre la main dessus."

Sénaillac, "un terreau de personnes fragiles"

Sylvie*, habitante de Sénaillac-Lauzès depuis 5 ans, est elle aussi "très inquiète". "C'est un cauchemar", explique-t-elle. "On ne sait pas ce que ça va donner, mais on commence tous à se renseigner sur qui sont ces personnes et il suffit de regarder leurs sites ou leurs vidéos pour se rendre compte que ce sont des illuminés, des gens qui tiennent des propos absurdes et incohérents."

Leur but est de faire de Sénaillac-Lauzès "un village One Nation". Comme la plupart des habitants, Sylvie se dit "démunie". "Nous n'avons aucune information, on ne sait pas à qui s'adresser, le maire n'en sait pas beaucoup plus que nous". "C'est très angoissant, on ne sait pas à quoi s'attendre, d'autant que Sénaillac est un petit village majoritairement fait de personnes âgées et donc vulnérables". "C'est un terreau de personnes fragiles, et à mon avis ces gens-là le savent pertinement et c'est pourquoi ils veulent s'installer ici aujourd'hui".

Une crainte partagée par Esteban*, un septuagénaire à la retraite, installé là depuis cinq ans, dont l'entourage a été victime des mouvances sectaires il y a plusieurs années. "Les sectes, je connais. Je sais dans quel état de dépendance mentale elles sont capables de mettre les gens, y compris des gens qui sont déjà faits, déjà bien construits", raconte-t-il à BFMTV.com.

"Ces gens sont tous sauf des naïfs"

Depuis quelques semaines, cet habitant de Sénaillac appelle ses voisins à "faire attention". "Je leur dis: 'soyez prudents, ne vous laissez pas berner. On a l'air l'impression d'avoir en face de nous des gens complètement anodins voire gentillets, alors que derrière cette mise en scène, on a des gens qui savent pertinemment ce qu'ils font. Ce sont tous sauf des naïfs'". "C'est un schéma hyper classique", résume-t-il.

"On a d'abord été trés étonnés que ce groupe choisisse notre village, car nous sommes à peine 130 habitants. Il ne s'est jusqu'alors jamais rien passé d'exceptionnel", raconte Mathieu*, un quadragénaire qui a grandi sur place et s'y est installé il y a 5 ans. "On a pas tout de suite compris ni pris la mesure de ce dont il s'agissait. Mais maintenant qu'on a pris connaissance de leur projet, on est inquiets et on se pose beaucoup de questions."

"C'est effrayant", lance encore cet homme, qui vit à seulement 3 km du domaine de Domenac. "On a l'habitude de s'y promener, d'aller marcher dans les sous-bois de ce domaine car il n'est pas fermé: ici personne ne met vraiment de clôtures au terres. Mais on sait très bien que si ces gens s'installent ici, c'est pour investir le village à long-terme. Ils veulent échapper au contrôle des autorités pour vivre en dehors du système". Mais Mathieu a peur qu'ils ne s'en tiennent pas au seul domaine, "et qu'ils commencent à faire du porte-à-porte dans les villages pour de l'argent par exemple".

Sur leur site, Alice Pazalmar et Sylvain Charles n'ont pas réagi au dernier osbtacle rencontré par le projet - le droit de préémption exercé par la Safer. Mais lors du précédent écueil, la suspension de leur cagnotte en ligne, ils prévenaient déjà: "Cela ne signifie en rien l’arrêt de OneLab. Bien au contraire."

* Les prénoms ont été modifiés. Les habitants disent avoir fait l'objet de menaces dernièrement et souhaitent préserver leur anonymat pour des raisons de sécurité.

Article original publié sur BFMTV.com