Carmen Mola, l'Elena Ferrante espagnole
Le jour où il a fallu récupérer le chèque du juteux prix littéraire espagnol Planeta (1 million d'euros), la romancière Carmen Mola, prof et mère de trois enfants, a dû monter sur scène. Coup de théâtre : derrière ce pseudonyme à la Elena Ferrante, la mystérieuse autrice italienne de L'Amie prodigieuse, un trio: Jorge Díaz, Agustín Martínez et Antonio Mercero. Trois amis pour un troisième roman de choix, enfin traduit. Nous voilà à Madrid en 1834, où l'on agonise du choléra derrière les portes closes comme dans Le Hussard sur le toit, où l'on respire l'haleine fétide des enfants mal nourris comme dans Les Misérables, où une bête chimérique et méphitique comme dans un Adèle Blanc-Sec, « la Bestia », déchiquette les petites filles... Une rouquine en guenilles, Lucia (la lumière, pardi), un flic borgne; l'attelage parfait pour mener l'enquête dans l'inframonde madrilène et bâtir un thriller historique sans faille.
La Bestia, de Carmen Mola. Roman traduit de l'espagnol par Anne Proenza (Actes Sud, 480 p., 24,50 €). La Fiancée gitaneet Le Réseau pourpre, en poche chez Babel.
L'extrait qui tue :
Madrid, 23 juin 1834
Sous la pluie battante qui a converti le sol argileux en bourbier, un chien famélique joue avec la tête d'une petite fille. L'orage tombe sans pitié sur les bicoques, les cahutes et les toits misérables qui semblent sur le point de s'effondrer à chaque rafale de vent. Le Cerrillo del Rastro, proche des abattoirs de Madrid, s'inonde dès qu'il pleut.
P [...] Lire la suite