Bas-Rhin : après 177 CDD dans la même entreprise, un salarié attaque Kronenbourg en justice
Une entreprise est-elle dans l’abus en faisant signer 177 contrats courts au même salarié pendant près de trente ans ? La justice tranchera le 1er février prochain.
Il a attendu toute sa vie un CDI qui n’est jamais venu. Un ancien salarié de l’usine de Kronenbourg, à Obernai (Bas-Rhin), poursuit son ex-employeur devant les prud’hommes. Le sexagénaire souhaite refaire qualifier ses dizaines de contrats courts en contrat à durée indéterminé. Selon Le Monde, Rabah Mekaoui, 62 ans, a enchaîné pas moins de 177 CDD en 27 ans de carrière chez le brasseur alsacien. Dans le détail, le salarié fidèle a signé 161 missions d’intérim et 16 contrats à durée déterminé pour la même entreprise.
Ce manque d’estime de la part de son ancienne entreprise lui coûte aujourd’hui cher au moment de partir à la retraite. "À 12 euros de l’heure, contre 17 euros pour les autres, sans l’ancienneté, j’ai perdu beaucoup", souffle celui que ses collègues surnomment Ali. "Ali, ils auraient dû l’embaucher", admet volontiers l’un d’entre eux au Monde. En 2019, alors que sa situation professionnelle ne se décante pas, Rabah Mekaoui se renseigne auprès d’un avocat pour demander un CDI sur les conseils de ses proches. Cette initiative déplaît à Kronenbourg qui décide de ne pas le renouveler une énième fois.
"Il n’a jamais pris de congés, de peur de ne pas être repris"
Devant les prud’hommes, son avocate, Me Nicole Radius, a accusé Kronenbourg d'"abus de contrats saisonniers" et demandé la requalification des 27 ans de carrière de son client en CDI. "Il a été loyal. Pendant près de trente ans, M. Mekaoui ne savait pas si sa mission allait être renouvelée la semaine suivante. Il ne connaissait pas le terme précis de ses contrats. Il ne s’est jamais mis en arrêt maladie, n’a jamais pris de congés, de peur de ne pas être repris. Cette situation très précaire a eu un impact sur sa santé, la qualité de ses relations familiales", plaide son conseil.
En plus de la précarité, Rabah Mekaoui aurait aussi eu à subir plusieurs insultes à caractère raciste selon Le Monde. Pour toutes ces raisons, Me Nicole Radius et son client réclament 206 000 euros de dommages et intérêts. Contacté par Le Monde, le directeur de l’usine n’a pas souhaité donner suite. Me Emmanuel Andréo, l’avocat de Kronebourg a défendu "la convention collective" qui autorise l'embauche de "salarié saisonnier". La justice rendra sa décision le 1er février prochain.
VIDÉO - Qu’est-ce qu’un CDD ?