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Article 24: après l'annonce de sa "réécriture" par la majorité, les sénateurs rappellent leurs droits sur le texte

Le président du Sénat, Gérard Larcher, dans l'hémicycle de la Chambre haute le 1er octobre 2020 - AFP / Thomas Coex
Le président du Sénat, Gérard Larcher, dans l'hémicycle de la Chambre haute le 1er octobre 2020 - AFP / Thomas Coex

Les marcheurs se sont-ils débarrassés à peu de frais d'un texte sécuritaire devenu patate chaude? Ou, au contraire, ont-ils offert une belle occasion au Sénat de reprendre la main sur un débat devenu incandescent? Ces questions sont survenues lundi dès 16h15 lorsque Christophe Castaner, président du groupe La République en marche à l'Assemblée nationale, a annoncé une "nouvelle écriture complète" de l'article 24 de la proposition de loi (PPL) relative à la sécurité globale, qui prévoit d'encadrer la diffusion d'images des forces de l'ordre.

Le texte controversé, dont les multiples contestations ont amené le gouvernement à s'emmêler les pinceaux puis à amorcer un début de reculade, est déjà en route pour la Chambre haute. Il a été voté au Palais-Bourbon la semaine dernière. Le président du Sénat, Gérard Larcher, a pris un malin plaisir à le rappeler ce mardi en ouverture de séance. "Il revient (...) au Sénat et à lui seul d'examiner, de réécrire si cela s'avère nécessaire, une ou plusieurs" des dispositions du texte de loi, a-t-il entamé.

"Après l'examen du texte par le Sénat, il reviendra au gouvernement de convoquer une commission mixte paritaire, ou de décider la poursuite de la navette en prévoyant une deuxième lecture dans chaque assemblée, ce qui ne me paraît jamais inutile pour des textes complexes. Tout cela, ça s'appelle le bicamérisme", a tonné Gérard Larcher avant de recevoir des applaudissements nourris sur l'ensemble des bancs de son hémicycle.

"On est dans un truc de dingos"

La navette parlementaire suit donc son cours normal. Les sénateurs ne devraient pas commencer à examiner le texte avant janvier-février prochain. Le ministre des Relations avec le Parlement, Marc Fesneau, a rappelé dans le JDD que "des mois de travail" seraient encore nécessaires avant l'adoption de la proposition de loi. D'ici janvier, le Sénat doit se consacrer aux débats budgétaires de fin d'année, avant d'interrompre ses travaux pour les vacances de Noël jusqu'au 5 janvier.

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"On aurait dû faire ça à l'ancienne. On aurait dû toper avec le Sénat, faire en sorte de ne pas réinscrire la proposition de loi à l'ordre du jour et la perdre dans les limbes du Parlement, comme cela a été le cas pour plein de textes", soupire un conseiller ministériel auprès de BFMTV.com.

Un poids lourd de la majorité sénatoriale, pourtant pas parmi les plus farouches opposants à Emmanuel Macron, s'indigne de la légèreté avec laquelle la majorité tente ce tour de passe-passe.

"On est dans un truc de dingos. Ils pourraient travailler avec nous, quand même! On œuvre pour le pays là, enfin, ce n'est pas un jeu d'enfants! La navette est partie et ils disent, 'on va réécrire'. Bah non, c'est au Sénat de le faire. On est dans un pays qui a une Constitution, avec des règles. Ce ne sont pas trois types dans une cabane au fond du jardin qui prennent les décisions", s'agace cet élu de premier plan.

Tout ou rien

Notre source concède toutefois que c'est au gouvernement de fixer l'ordre du jour, à l'Assemblée comme au Sénat. Même pour une proposition de loi (qui est d'initiative parlementaire, contrairement aux projets de loi). En théorie donc, le gouvernement pourrait choisir d'enterrer l'article 24 en n'inscrivant pas la PPL "sécurité globale" à l'ordre du jour début 2021.

"Le gouvernement ne peut pas choisir de retirer du texte des dispositions isolées. C'est le texte entier ou rien", fait-on remarquer au sein du groupe LR du Sénat.

On le perçoit très vite, les retombées négatives d'une telle décision seraient bien supérieures aux bénéfices qui en résulteraient: mépris du Parlement; sacrifice d'une proposition de loi ardemment défendue par l'exécutif comme étant une nécessité pour les forces de l'ordre; camouflet de taille aussi bien pour Gérald Darmanin que pour les députés marcheurs qui ont voté le texte, parfois à leur corps défendant...

"D'erreur en erreur"

L'annonce de Christophe Castaner ne sera donc pas suivie d'effets immédiats. Le président du groupe Les Républicains au Sénat, Bruno Retailleau, n'a pas manqué d'appuyer sur ce ressort avant même que la conférence de presse de lundi après-midi ne s'achève.

"L'exécutif et sa majorité vont d'erreur en erreur. N'en déplaise aux députés LaREM, l'article 24 est toujours dans le texte qui a été transmis mardi dernier au Sénat. Conformément à la Constitution, sa réécriture dépend donc désormais du Sénat", a tweeté le sénateur de Vendée.

Roland Lescure, cadre dirigeant de LaREM et président de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale, s'est empressé de répliquer: "Et conformément aux institutions, en cas de désaccord entre les deux chambres, c’est la majorité à l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot." Chacun marque son territoire et sa prééminence institutionnelle.

Risque de nouvelle polémique

En l'espèce, les deux remarques se complètent. D'ici janvier-février, LaREM ne pourra rien faire pour imposer aux sénateurs une quelconque refonte du problématique article 24. Ils ne pourront pas, non plus, les obliger à accélérer leur calendrier. "On est échec et mat", juge un conseiller de l'exécutif.

D'autant plus que le projet de loi "confortant les principes républicains" (celui sur le séparatisme islamiste), dont l'examen au Palais-Bourbon devrait démarrer en janvier, comporte un article 25 très similaire à l'article 24 de la PPL "sécurité globale".

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il paraît plausible que la disposition fasse l'objet d'un nouvel effet de loupe et, potentiellement, d'une nouvelle bronca, qui plus est sur un texte de haute importance. Donc quoi qu'il arrive, les macronistes n'en ont pas fini avec les polémiques sécuritaires. Celles-ci ne s'en trouveraient qu'amplifiées par un téléscopage parlementaire des deux textes, l'un étudié à l'Assemblée nationale, l'autre au Sénat.

Compromis?

Partant de là, les sénateurs ont plusieurs cartes en main. Tactiquement, le plus malicieux de leur part serait de voter l'article 24 tel qu'adopté à l'Assemblée nationale: cela aboutirait à ce qu'on appelle un vote "conforme", un vote identique, et rendrait impossible une réécriture rapide par quiconque. Les marcheurs seraient coincés avec la patate chaude sur les bras.

C'est ce qu'a d'ailleurs demandé ce mardi Christian Jacob, sourire en coin, aux sénateurs LR présents lors d'une réunion du Conseil stratégique du parti. Mais plusieurs d'entre eux ont d'ores et déjà expliqué qu'ils souhaitaient réécrire l'article 24, à commencer par le co-rapporteur LR du texte au Sénat, Marc-Philippe Daubresse. Philippe Bas, quant à lui, a vertement critiqué une PPL écrite "avec les pieds".

"On pourrait se faire plaisir en durcissant la PPL pour satisfaire les policiers et l'électorat de droite, mais le Sénat a pour tradition de préserver les libertés fondamentales", évoque-t-on au groupe LR.

De fait, le scénario le plus probable est que le Sénat rende un texte dont les équilibres conviennent à Emmanuel Macron, qui se gardera bien de trop triturer la PPL afin de ne pas mettre le feu à sa majorité. Tout cela pourrait se jouer en commission mixte paritaire, où sept sénateurs et sept députés se retrouvent pour tenter de tricoter une version unique du texte. Un tel accord bute sur un élément: l'image que cela donnerait de l'exécutif et de LaREM.

"Aux commissions des Lois et des Finances, le Sénat nous emmerde depuis le début du quinquennat. Et puis il y a Philippe Bas qui se prend pour Fouquier-Tinville. Là en gros, ils nous disent, 'nous on va faire un truc juridiquement béton et qui est garant des libertés fondamentales'. Donc nous à l'inverse, on n'en serait pas capables?", grince un conseiller ministériel.

Selon cette source, le gouvernement "perdra forcément un point quelque part" à ce jeu, "soit auprès de la population, soit auprès de sa majorité". Faute d'accord, la PPL reviendrait en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, où les députés pourraient choisir de retirer l'article 24. Une solution loin d'être évidente, comme le résume un proche de Bruno Retailleau:

"Si la réécriture du Sénat convient à la fois aux journalistes et aux policiers, les marcheurs ne vont pas réinventer la poudre."

Article original publié sur BFMTV.com