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Accès aux magasins, contrats: ce que les "Sages" pourraient retoquer dans le projet de loi sanitaire

Le Conseil constitutionnel a censuré vendredi l'ordonnance gouvernementale permettant l'utilisation de la visioconférence devant les juridictions pénales sans accord des parties - THOMAS SAMSON © 2019 AFP
Le Conseil constitutionnel a censuré vendredi l'ordonnance gouvernementale permettant l'utilisation de la visioconférence devant les juridictions pénales sans accord des parties - THOMAS SAMSON © 2019 AFP

"Ce n’est pas une formalité. C’est une nécessité. Nous avons besoin de savoir si ce texte particulièrement attentatoire à nos droits et libertés du quotidien est ou non conforme à la Constitution." Ce préambule a été lâché lundi sur notre antenne par Paul Cassia, professeur en droit public. Il souligne bien l'enjeu de l'examen par le Conseil constitutionnel du projet de loi sanitaire, adopté dimanche 25 juillet par les parlementaires.

Celui-ci porte entre autres sur l'extension de l'application du pass sanitaire, et donc sur les restrictions dans l'accès à l'espace public et les déplacements pour une partie de la population, ou encore sur la vaccination obligatoire des personnels des établissements de santé.

C'est justement parce qu'il avait besoin de "border" son projet autour de ces points cruciaux que Jean Castex a annoncé dans la foulée la saisine du Conseil constitutionnel, chargé de se prononcer sur la régularité du dispositif retenu. En parallèle, 74 députés d'opposition de gauche ont fait de même.

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Quant au calendrier, on passe d'un marathon à l'autre. Après que députés et sénateurs ont dû débattre, amender et voter ce projet d'une importance cardinale en quatrième vitesse, au tour des "Sages" du Palais royal de faire fissa. Le gouvernement les a ainsi sollicités en faisant valoir l'alinéa 3 de l'article 61 de la Constitution: un outil qui enclenche un examen en urgence, sous huit jours au lieu du mois règlementaire. Si l'initiative désigne donc ce jeudi 5 août comme point d'horizon, on se dirige cependant vers une entrée en vigueur - si le Conseil constitutionnel le permet - au 9 août, après promulgation et parution du décret au Journal officiel.

• Que peut faire le Conseil constitutionnel?

Paul Cassia a rappelé sur BFMTV les marges de manoeuvre du Conseil constitutionnel:

"Il peut soit valider le texte, autorisant la promulgation, soit le censurer tout ou partie, soit autoriser sa promulgation en interprétant, avec ce qu’on appelle des réserves d’interprétation, c’est-à-dire en expliquant comment en pratique ce texte doit être mis en œuvre".

Le Conseil constitutionnel juge en fonction de trois critères: la nécessité d'une loi, sa pertinence pour l'objet poursuivi (en l'occurrence lutter contre la pandémie, tout en préservant l'activité), et sa proportionnalité.

Dans cette perspective, les implications possibles du texte sur la vie quotidienne des Français non-vaccinés ou ne disposant pas du pass sanitaire seront nombreuses et très concrètes.

• Une restriction dans l'accès aux centres commerciaux très nébuleuse

Et certaines de ces conséquences ont tout l'air inconstitutionnelles pour de nombreux experts. Ainsi, les préfets pourront décider de réserver l'accès des centres commerciaux aux seuls détenteurs du fameux sésame. Or, ceux-ci proposent à la vente des biens de première nécessité. Un premier écueil, en principe, sur la voie de la légalité du texte, qui assure pourtant que le haut-fonctionnaire devra justement veiller à "garantir l’accès aux services essentiels".

Interrogé à ce propos ce mardi par France Inter, le constitutionnaliste Dominique Rousseau observe: "Le législateur aurait du être beaucoup plus précis pour encadrer le pouvoir des préfets et le pouvoir du Premier ministre. Il y a là une indétermination de la loi et donc un fort risque d'inconstitutionnalité".

• Terrasses, transports: la liberté de déplacement en question

Ce flou juridique doublé d'une impression de "deux poids, deux mesures" menacent encore la conformité d'au moins deux dispositions. L'accès aux terrasses, soumis là encore au pass, ou aux "transports en commun longue distance" - les autres, tels que le métro par exemple restant en dehors de l'arsenal défini. Annabelle Pena, professeure de droit public à l’université de Toulon, a contesté ces deux points auprès de L'Opinion, dans un article publié ce mardi.

"L’atteinte à la liberté d’aller et de venir et au respect de la vie privée des personnes non vaccinées peut être disproportionnée au regard de l’intérêt sanitaire, puisqu’il est possible de circuler dans la rue sans port du masque", note-t-elle dans le premier cas. "Qu’est ce qui permet de déterminer que prendre le TER pendant 45 minutes ne pose aucun problème sanitaire par rapport à un trajet en TGV de 3 heures?" se questionne-t-elle dans le second.

• Suspension de contrat des salariés non-vaccinés: menace sur le droit du travail

La commission mixte paritaire parlementaire l'a proclamé: elle a écarté avec succès du projet le risque d'une possibilité de licencier un salarié sous prétexte qu'il refuserait le vaccin. Etaient concernés les travailleurs des établissements accueillant du public, et les personnels des établissements de santé.

Mais d'une part - comme l'intervention de la ministre du Travail Elisabeth Borne sur BFMTV ce mardi matin l'a montré - la bataille juridique est loin d'être achevée sur la question du licenciement des salariés non-vaccinés. De l'autre, la suspension du contrat avec interruption de la rémunération demeure à l'ordre du jour. Et là aussi le bât blesse constitutionnellement, selon Dominique Rousseau auprès de France Inter:

"Le licenciement était une sanction manifestement disproportionnée. La suspension du contrat avec suspension du salaire reste une sanction disproportionnée et une sorte de licenciement déguisé ou retardé, puisqu'elle ne s'accompagnera d'aucune garantie indemnitaire. Donc, il y a une atteinte au principe de droit du travail."

• Isolement obligatoire: une privation de liberté sans garde fou?

Le projet de loi sanitaire statue que les cas positifs devront s'isoler, à l'exception d'une plage horaire courant de 10h à midi, et ce pendant dix jours. Soit une privation de liberté stricto sensu. En pareil cas, l'intervention d'un juge judiciaire est toujours requise... Rien ne le dit pourtant dans le texte adopté. L'avis du Conseil constitutionnel à ce sujet sera donc capital.

D'autant que d'après L’Opinion, on chiffre à "150.000" le nombre des personnes "qui pourraient être privées de liberté chaque jour d’ici 3 semaines".

• L'égal accès aux lieux de soin remis en cause

On relève, comme le note France Info, un dernier axe de crispation potentiel. La restriction de l'accès aux hôpitaux, lieux de soin et Ehpad aux détenteurs du pass sanitaire. La contrainte porterait à la fois sur les visites mais pèserait aussi sur les patients en attente de soins programmés (les soins d'urgence sont en revanche exemptés). "Il y a un problème d’égal accès à l’hôpital, d’autant que la couverture vaccinale est moins bonne pour les personnes défavorisées", dixit Serge Slama, codirecteur du master droit des libertés à l’Université de Grenoble Alpes, dans L'Opinion.

Les zones d'ombre sont donc nombreuses dans ce projet de loi, mettant en péril des libertés individuelles. Mais l'exécutif se veut serein. Dans Le Figaro, l'Elysée se borne ainsi à signaler qu'en cas de retoquage, général ou ponctuel: "Nous nous adapterons avec pragmatisme".

Article original publié sur BFMTV.com