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Réduire la dépense publique sans toucher aux services publics, c'est possible !


Le challenge des politiques budgétaires actuelles : réduire le déficit de l'Etat intelligemment, c'est à dire avec un impact minimal sur les services publics. Facile à dire, mais comment faire ?

Interviewé en novembre dernier par le quotidien Libération, le candidat François Hollande ne récusait pas le mot de rigueur, "à condition de lui donner un sens". Son premier ministre préfère aujourd'hui éluder le terme. Mais peu importe, à vrai dire, qu'on la nomme ou pas : la rigueur est bien là, réalité tangible et incontournable à travers la zone euro. "Pour l'Etat, il faut trouver les moyens de réduire les coûts de manière à la fois durable et intelligente, c'est-à-dire en ciblant prioritairement les coûts parasites ou inutiles", résume Gilles Pedini, associé en charge du secteur public au sein du cabinet Deloitte. Voilà qui est évidemment plus facile à dire qu'à faire, surtout qu'on ne s'intéresse réellement à ce que dépense l'Etat que depuis le lancement en 2005 des audits de modernisation de l'Etat, dit audits Copé.

Un premier constat s'impose, selon Gilles Pedini. Les gains de productivité théoriques ne se traduisent pas toujours par des économies réelles. "Le nombre de fonctionnaires d'Etat a baissé de 150.000 environ en cinq ans, mais la masse salariale correspondante a peu évolué. Cela tient en partie à la revalorisation de certains salaires, mais aussi, probablement, à des recyclages d'économies qui n'ont pas été faits à bon escient", estime-t-il. Voilà qui illustre un décalage souvent constaté en France entre la volonté politique initiale et l'exécution de la stratégie.

Traquer les coûts inutiles

Les collectivités territoriales en sont un bon exemple. Elles employaient en 2009 260.000 personnes de plus qu'en 2002 et il faut ici séparer le bon grain (les surcoûts justifiés) de l'ivraie. "On évoque souvent la décentralisation entreprise du début de la décennie 2000 pour expliquer cette augmentation d'effectifs, rappelle Gilles Pedini. C'est vrai pour les régions et les départements mais on constate aussi une forte progression dans les communes et les intercommunalités." Ceci est à rapprocher de la loi Chevènement de juillet 1999 sur la coopération intercommunale, dont l'objectif était de mutualiser certains coûts entre les communes. "On s'aperçoit qu'elle a parfois abouti à doublonner certaines fonctions", explique Gilles Pedini. C'est l'exemple même de ce qu'il appelle les "coûts de non-qualité". Dans ce cas précis, il s'agit même de coûts doublement inutiles, puisqu'ils ajoutent une complexité sans apporter de service supplémentaire.

Autre sujet où l'efficacité n'est pas toujours de mise : les aides aux entreprises, accordées par les régions, les agences régionales de développement, l'Etat, via les DREAL (directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement), les Chambres de commerce, certaines missions locales ou par Pôle emploi. Du côté de la dépense publique, cette multiplicité des dispositifs ajoute des coûts. Et pour l'entreprise en quête d'aide, elle crée ce qu'on appelle parfois un administrative burden (fardeau administratif), les diverses formalités administratives à remplir consommant un temps qui pourrait être utilisé autrement. "On pourrait imaginer de regrouper ces différents services dans un guichet unique qui serait adapté à la typologie et à la taille de l'entreprise, remarque Gilles Pedini. Cela n'interdit pas une gouvernance collégiale des différents acteurs impliqués."

Les achats externes de l'Etat sont aussi une source d'économies potentielles. "Il y a 6 ans, un audit réalisé sur 15 milliards d'euros d'achats divers (informatique, véhicules, mobilier) avait permis d'identifier un potentiel d'économie de 1,5 milliards d'euros. 300 a 400 millions ont été réalisés, ce qui laisse entrevoir un milliard supplémentaire d'économies potentielles dans les 18 mois", rappelle Gilles Pedini.

La concertation comme source d'efficacité

Restent les dépenses d'intervention de l'Etat à caractère économique ou social (allocations sociales, réductions d'impôt liées à des niches fiscales, etc), qui représentaient 65 milliards d'euros dans le projet de loi de finance 2010, avec 30 dispositifs pesant pour 74% du total et une myriade d'autres pour le solde. Pour rationaliser ces dispositifs, dont certains sont obsolètes, sans que les bénéficiaires s'érigent vite en lobbies pour maintenir leur acquis, ou que les agents publics s'inquiètent du devenir de leur emploi, la solution est peut-être dans la méthode. Et Gilles Pedini de rappeler l'exemple du Canada, revenu à l'équilibre budgétaire après avoir connu un déficit de 9% du PIB au début des années 1990 en mettant notamment en œuvre des concertations très larges rassemblant bénéficiaires, administrations et experts, avec publication des résultats des travaux à la clé. Cette méthode permet d'éviter des solutions purement technocratiques tombant d'en haut. Partir de l'observation des personnes actives dans un dispositif, les impliquer dans le processus... cette recette peut éviter que des blocages ne mettent la réforme dans le mur !

40 à 50 milliards d'euros d'économies possibles

Une rigueur budgétaire intelligente et moderne passe par  des méthodes différentes et la comparaison, lorsqu'elle est possible, avec les pratiques du secteur privé en est une (on appelle cela en bon franglais le benchmarking). "Dans des services parfaitement comparables, on constate parfois un voire deux niveaux hiérarchiques supplémentaires dans le public, sans raison particulière", note Gilles Pedini.
Parfois la méthode doit s'adapter à des changements structurels, comme dans le cas des hôpitaux. "Auparavant, ils avaient un budget global. Mais avec la tarification à l'acte, leurs revenus sont désormais liés aux actes réellement pratiqués, ce qui nécessite de les facturer de manière exhaustive. Beaucoup d’hôpitaux étaient mal organisés là-dessus", révèle Gilles Pedini. Deloitte accompagne ainsi un hôpital des Bouches-du-Rhône où l'enjeu est de recouvrer 5 millions d'euros supplémentaires par an.
Sans tabler d'un retour hypothétique d'une croissance plus soutenue, Gilles Pedini estime qu'entre l'Etat, les collectivités territoriales et le système de santé et de protection sociale, le potentiel de réduction de la dépense publique en France se situe entre 2 et 3% du PIB, soit 40 à 50 milliards d'euros. Mais il prévient qu'il ne se fera pas sans les citoyens. Et que la transparence sera aussi... de rigueur.

Emmanuel Schafroth

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