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Mais où sont passés les eurobonds ?

Hollande 1 - Merkel 0. C'est par ce titre un rien triomphal que le quotidien Libération a accueilli l'accord européen conclu à Bruxelles sur la crise financière, durant la nuit du 28 au 29 juin. Certes, c'est une avancée importante, mais est-ce vraiment une victoire française sur l'Allemagne ? Et que sont devenus les eurobonds défendus si ardemment par le France ?
 

Le match que se livrent France et Allemagne au sein de la zone euro est une réalité tangible, qui fait frémir toute l'Europe. "Le désaccord franco-allemand sur le modèle européen est assez profond, rappelle Gustavo Horenstein, gérant de fonds à Dorval finance. Les énarques de Bercy portent en quelque sorte une vision d'ingénieurs sur l'économie, la création d'eurobonds leur apparaissant comme une solution technique au stress économique de la zone euro. Au contraire, l'Allemagne, guidée par la doctrine ordolibérale (ou libéralisme ordonné) réclame au préalable des règles claires auxquelles chacun se plie et un partage de souveraineté avec un contrôle démocratique fort, ce à quoi la Commission européenne ne répond pas. D'où une pression mutuelle entre les deux pays, une guerre d'usure où l'Allemagne est plutôt en position de force."

L'accord européen de fin juin permet de rompre avec une impression, d'ailleurs un peu trompeuse, que rien n'avançait en Europe. Mais est-ce vraiment une victoire française ? L'idée, clairement défendue par la France, de financement des Etats de la zone euro par des émissions obligataires de long terme garanties non plus par les Etats individuellemen mais par l'Union européenne, semble en effet remisée au second plan, au profit du concept d'union bancaire, plus acceptable outre-Rhin, et désormais sur les rails.

Depuis 2008, la crise qui touche l'Europe peut se résumer en deux maux qui se nourrissent l'un l'autre : d'une part, le mauvais état de santé des banques, particulièrement prégnant en Espagne, avec des conséquences importantes sur une économie beaucoup plus dépendante des financements bancaires que ne l'est l'économie américaine, par exemple. Et d''autre part le risque souverain, c'est-à-dire la probabilité qu'un Etat de la zone euro ne puisse plus faire face à ses échéances. "La mise en place d'une union bancaire permettrait de couper complètement le lien entre les banques et leur Etat d'origine et d'interrompre ainsi un véritable cercle vicieux", affirme Gustavo Horenstein. Le régulateur des banques ne serait plus national mais européen, la Banque centrale européenne (BCE) pouvant jouer ce rôle. Cela impliquerait aussi la création d'un organisme européen chargé, en lieu et place des instances nationales existantes, de garantir les dépôts bancaires en cas de défaillance d'un établissement. "Ce projet est un début de fédéralisme budgétaire même s'il cache son nom", selon Gustavo Horenstein. Il s'agit bien en effet d'une mise en commun de ressources budgétaires, même si cela se limiterait au secteur bancaire.

Mais il faudra peut-être moins longtemps pour voir surgir les "eurobills", qui seraient un bon complément de l'union bancaire en projet. On parle là d'emprunts obligataires européens garantis solidairement par tous les pays membres, comme les eurobonds, mais à échéance plus courte, inférieure à un an, par exemple, ce qui en ferait le pendant des bons du Trésor français. Leur maturité courte limitant dans le temps le risque de non-remboursement lié à la garantie mutuelle, ces titres seraient considérés comme "seniors", c'est-à-dire remboursables prioritairement à d'autres dettes. Autrement dit, de tels produits de dettes à risque très faible pourraient facilement servir de garantie (en jargon financier, on dit : collatéral) aux banques souhaitant se financer en argent frais auprès de la BCE.

Dans ce cas de figure, les dettes de long terme des Etats resteraient nationales, mais leurs dettes de court terme seraient entièrement mutualisées, le montant d'émission autorisé pour le compte de chaque Etat pouvant être assorti de conditions liées à la rigueur budgétaire. "L'avantage d'une telle solution est qu'elle ne nécessite pas de nouveau traité européen", rappelle Gustavo Horenstein.

Une autre piste, proposé par les Allemands, consiste en la création de "redemption funds", sorte de fonds de défaisance où serait transférée la part de la dette de chaque Etat excédant les 60% du PIB. Cela reviendrait à la retirer du marché financier, l'intérêt étant que chaque pays serait vu par le marché comme ayant au maximum une dette de 60% du PIB. De quoi limiter les fluctuations trop brutales des taux d'intérêt. Mais Gustavo Horenstein juge cette alternative "un peu compliquée".

Les économistes sont parfois imaginatifs et d'autres ont imaginé un système d'obligations "bicolores" : les blue bonds (obligations bleues) et les red bonds (obligations rouges). Les premières représenteraient la dette n'excédant pas les 60% du PIB et seraient garanties par l'Europe, les autres seraient uniquement garanties par l'Etat émetteur, l'effet escompté étant de faire baisser le coût moyen de financement des Etats. Problème : c'est finalement du comportement du marché financier lui-même que découlera l'efficacité, ou pas, du dispositif.
 
Quand aux fameux eurobonds, ils restent une piste de très long terme mais supposent, comme les Allemands l'exigent, un partage de souveraineté budgétaire fort qu'on ne voit pas venir de sitôt. D'ailleurs, les eurobonds sont-ils si désirables ? Pas sûr. "Le marché obligataire joue le rôle d'aiguillon de la prudence budgétaire. Si tout le monde se finance au même taux, qui jouera ce rôle ?", se demande Gustavo Horenstein. La solution consistant à mettre purement et simplement sous tutelle budgétaire complète les Etats défaillants est simple sur le papier, et rapprocherait singulièrement le modèle européen de l'américain. Mais elle suppose des risques sociaux, voire politiques très importants. Contrairement aux Etats-Unis, notre Europe n'est pas un pays. Un jour, peut-être.

Emmanuel Schafroth

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