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La banque Rothschild : le phénix de la finance

Dans notre série "Entreprises et entrepreneurs à succès" découvrez l'épisode 8 sur l'histoire de l'une des plus grandes banques d'affaires française : La banque Rothschild

Ce fleuron de la banque d'affaires a failli disparaître, pour mieux renaître.

Le 18 février 1982, à 15h40, un homme quitte l'immeuble situé au 21 rue Laffitte, dans le neuvième arrondissement de Paris... accompagné de son chien Buster. Si l'on se souvient encore aujourd'hui de ces détails futiles, c'est que la secrétaire du Monsieur en question les a fidèlement notés. Car ce départ, loin d'être anodin, ressemblait à la fin d'un monde. L'homme en question s'appelle David de Rothschild et s'il s'en va, c'est que la banque du même nom, installée dans ces lieux depuis que son arrière-arrière-grand-père James, vient d'être nationalisée par le gouvernement socialiste. Comme le rappelle la journaliste Martine Orange dans son récent ouvrage "Rothschild - Une banque au pouvoir", seules les banques dépassant les 5 milliards de francs de dépôts devaient initialement passer sous le contrôle public, la barre étant ensuite abaissée à un milliard, les communistes exigeant précisément que ce fleuron de la finance ne puisse échapper au couperet.

Du ghetto de Francfort à l'anoblissement

Car la banque Rothschild est alors au faîte d'une réputation qui s'est construite au fil des deux siècles précédents. Tout est parti d'une petite maison de la Judengasse (rue des Juifs) du ghetto de Francfort, ornée d'une enseigne rouge (en allemand : roten Schild) qui va donner à la famille son patronyme définitif. Le fondateur de l'empire, c'est Mayer Amschel Rothschild, né en 1744. Il va transformer le petit commerce de prêt sur gage en véritable banque, s'illustrant notamment en devenant le gestionnaire d'une des principales fortunes d'Europe, celle de Guillaume 1er de Hesse-Cassel. A l'époque, les exils ne sont pas toujours fiscaux. Et quand Guillaume 1er s'enfuit pour échapper aux griffes de Napoléon, son argent prend la route de Londres où Nathan Rothschild, un des fils de Mayer, va le faire fructifier. Le patriarche, gardant à ses côtés son aîné, dépêche ses autres fils à Vienne, Naples et Paris, posant les bases d'une multinationale de la finance avant l'heure. En 1822, dix ans après la mort du fondateur, ses cinq fils sont élevés au rang de barons par l'Empereur d'Autriche, signe de leur élévation sociale mais aussi et surtout d'une grande influence politique qui restera inscrite dans les gênes de la maison.

Les financiers de la révolution industrielle

De décennie en décennie, de siècle en siècle, le nom de Rothschild est associé à d'innombrables opérations financières de premier plan. En 1845, James de Rothschild, à l'origine de la branche française et du siège de la rue Laffitte, gagne le contrat de construction des chemins de fer du Nord, et finira par bâtir les bases du réseau ferré européen. Dans la deuxième moitié du 19ème siècle, alors que la révolution industrielle bat son plein, transports et matières premières sont plus que jamais le nerf de la guerre. On retrouve la famille à la manœuvre lorsque naît un premier projet de tunnel sous la Manche, finalement refusé par les Britanniques, ou lorsque les mêmes britanniques veulent racheter le canal de Suez. Les Rothschild rachètent les mines de cuivre espagnoles Rio Tinto, et financent la création du fameux conglomérat diamantaire sud-africain De Beers. Ce sont les "rois de Chine" de la communauté juive.

Seules les branches anglaise et française du groupe parviennent à se développer, les autres fermant tour à tour, jusqu'à ce jour de mai 1981 où François Mitterrand arrive au pouvoir et qui aurait pu être funeste.

La banque Rothschild renaît de ses cendres

Mais plus qu'une fin, ce basculement de la France à gauche marque une renaissance. La Banque Rothschild est nationalisée et rebaptisée du nom impersonnel d'Européenne de banque, et échappe définitivement au contrôle de la famille. Mais si l'amertume désabusée de Guy de Rothschild, celui-là même qui avait nommé à la direction générale de la banque le futur président de la République Georges Pompidou, le conduit à fuir vers les Etats-Unis. Son fils David, que nous avons croisé avec son compagnon à quatre pattes, veut sa revanche et trouve dans l'adversité une autre épaisseur. "J'étais un héritier, je suis devenu un fondateur", dit-il, cité dans l'ouvrage de Martine Orange. Avec son cousin Eric, il relance dès 1983 ce qui deviendra Rothschild & Cie (à l'époque, il n'a même pas le droit d'utiliser son propre nom), tournant le dos à la stratégie de son père d'aller vers la banque de dépôt et opérant un retour aux fondamentaux du groupe : la banque d'affaires et des relations étroites avec la sphère politique, toutes couleurs confondues.

Reparti de zéro, mais avec un nom en or, qui lui vaudra notamment la bienveillance d'Ambroise Roux, alors porte-drapeau de la résistance patronale à la gauche, David de Rothschild a su s'imposer comme un grand manitou du capitalisme français, et son nom reste synonyme de haute finance. Sous l'ombrelle du holding coté Paris-Orléans, qui vient de se transformer en société en commandite par actions pour affermir le contrôle familial, la banque revendique une part de marché de près de 10% dans les opérations de fusions-acquisitions transfrontalières à l'échelle de la planète, tout en cultivant un certain effacement. Situé dans le 8ème arrondissement, le siège cossu mais discret de la banque en témoigne : aucune plaque n'indique le nom de l'occupant ! Son retour en grâce, la banque Rothschild nouvelle génération le doit sans doute à une devise que la famille a su retrouver à un moment crucial : la force réside dans l'unité.

Emmanuel Schafroth

Pour en savoir plus sur la banque Rothschild : "Rothschild - une banque au pouvoir" de Martine Orange
(éditions Albin Michel)


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