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Ce grand patron ne pensait pas qu'au fric

Entreprises et entrepreneurs à succès: épisode 1*. Pendant trente ans, il n'a eu de cesse de développer l'empire BSN, devenu Danone. Mais Antoine Riboud fut surtout un PDG hors-norme et précurseur dans son approche de l'entreprise.

Antoine Riboud rappelait volontiers qu'il était devenu un grand patron sans avoir eu son Bac. Il n'est toutefois pas l'archétype même du self made man. Lorsqu'il débute en 1942 au service commercial du fabricant de bouteilles de verre Souchon-Neuvesel, c'est sous les bons offices de son oncle, qui en est le PDG : le jeune Antoine a alors 24 ans et gravira les échelons jusqu'à prendre les rênes de l'entreprise en 1965. Dès l'année suivante, il conclut la fusion avec Boussois, spécialiste du verre plat : BSN (Boussois-Souchon-Neuvesel) est né et c'est pour Antoine Riboud le début d'une aventure entrepreneuriale de 30 ans, au cours de laquelle il développera de manière considérable l'activité, multipliant le chiffre d'affaires par 12 (à monnaie constante), mais surtout bouleversant du tout au tout le portefeuille d'activités du groupe.


Paradoxalement, c'est un échec retentissant qui va apporter la notoriété à Antoine Riboud. Nous sommes en décembre 1968 et, souhaitant constituer un champion français du verre, il tente d'acquérir Saint-Gobain. Cela ne lui vaudra pas que des amitiés dans l'establishment patronal, car cette offre lancée de manière hostile constitue un précédent en France. Faute d'avoir réussi ce pari audacieux, Riboud trouvera un autre moyen de faire face à la concurrence de plus en plus forte que les emballages jetables font aux emballages de verre consignés : il développe son groupe vers l'aval. Autrement dit, il achète des sociétés du secteur agro-alimentaire (Evian, Kronenbourg, Gervais-Danone) et devient numéro un français du secteur dès 1973. L'histoire du groupe, qu'Antoine Riboud finira par rebaptiser Danone en 1994, peu avant d'en laisser les rênes à son fils, n'est pas faite que de succès. La décennie 1970 et ses deux chocs pétroliers, est placée pour BSN sous le signe de sévères restructurations de l'activité verre, dont le groupe finira par se désengager complètement. Lorsqu'il tire sa révérence en 1996, Danone réalise près de 13 milliards d'euros de chiffre d'affaires, dont 55% à l'international, et un bénéfice d'exploitation supérieur à un milliard.

Mais si Antoine Riboud a marqué les esprits, c'est qu'il n'était pas un PDG comme les autres. Cette singularité lui valut d'ailleurs le 2 octobre 1989 d'être le 100ème invité de "L'heure de vérité" sur Antenne 2 : c'était la deuxième fois seulement que l'émission était consacrée à un personnage extérieur au monde politique. Il y démontre un rapport à l'argent un peu différent de ce qu'on pourrait attendre d'un homme qui déclare une rémunération de 5,8 millions de francs à l'époque. Alors que le journaliste Alain Duhamel lui tend une perche en or massif en lui demandant ce qu'il pense de l'impôt sur la fortune, il répond avec malice : "je ne connais personne qui soit content de payer des impôts, mais je connais énormément de gens qui aimeraient bien en payer. Moi, je paye."

Utiliser l'intelligence et le savoir des salariés

Mais c'est surtout par la manière dont il définit son métier
qu'Antoine Riboud se distingue de ses pairs de l'époque. Pour lui, l'entreprise obéit à une double logique : d'un côté une logique économique qu'il qualifie d'"implacable", de l'autre, celle du travail et du personnel. Et son rôle de PDG était selon lui de "faire cheminer en parallèle ces deux logiques", ce qui en fait un vrai précurseur des notions de développement durable ou de responsabilité sociale des entreprises. Car, pour lui, le déclic remonte à... mai 1968. Habitant le quartier latin, Antoine Riboud est aux premières loges pour assister à cette révolution certes manquée, qui démontre à ses yeux que le salarié moderne ne demande plus seulement à l'entreprise un salaire mais veut aussi "utiliser son intelligence et son savoir". Fort de cette aspiration sociale et sans doute admiratif du combat des salariés pour sauver leur entreprise, Antoine Riboud s'impliquera fortement dans le plan de sauvetage de l'horloger Lip, acculé à de grandes difficultés financières en 1973 après une gestion hasardeuse. C'est sans doute cet épisode particulier ajouté à quelques amitiés socialistes (Jacques Delors ou Michel Rocard) qui contribuera à forger son image de "patron de gauche", étiquette d'ailleurs galvaudée. Lorsqu'on l'interrogeait sur ses orientations politiques, il préférait s'en tirer par une pirouette : "je vends des yaourts à tout le monde." S'il était un patron social, c'est peut-être tout simplement parce qu'Antoine Riboud avait un goût plus prononcé pour la différence que pour le corporatisme.

Emmanuel Schafroth

*Yahoo! Finance vous propose de revenir régulièrement sur des success story et des portraits de chefs d'entreprise hors-du-commun. Vous venez donc de découvrir le premier épisode.

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